Exposé d’Alain Zelverte

De l’expérience, des frustrations et l’envie d’être utile

Cela fait trente-cinq ans que je travaille dans l’industrie. Au fil des différents postes que j’ai occupés, j’ai souvent eu l’occasion de faire de l’ingénierie de site industriel et, dans ce cadre, de veiller à la préservation de l’environnement. Par exemple, j’ai été responsable de la stratégie environnementale d’un grand groupe qui produisait des batteries plomb-acide. Cela m’a donné l’opportunité de visiter de nombreux sites et d’analyser, puis d’améliorer différents procédés de traitement d’air et de traitement d’eau. Ensuite, j’ai pu mettre en œuvre ce que j’avais appris dans la réalisation d’une très importante extension d’usine. Puis j’ai travaillé dans une PME qui effectuait du traitement de surface – ce qui est également complexe au regard de la protection de l’environnement – et j’ai entièrement piloté la construction d’une nouvelle usine.

De la difficulté à faire prendre en compte l’environnement

Au cours de ma carrière, j’ai aussi subi un certain nombre de frustrations. Dans le groupe qui produisait des batteries plomb-acide, où je suis resté pendant dix ans, l’un de mes chevaux de bataille était d’équiper les usines de nouveaux filtres, qui permettaient de faire passer les rejets d’1 milligramme par mètre cube à 1 microgramme par mètre cube, mais qui coûtaient trois fois plus cher. Pendant les trois premières années, le groupe était français et j’arrivais à négocier avec la direction. Puis il est devenu italien et, pendant les trois années suivantes, j’y parvenais également. En revanche, quand il a été racheté par des Américains, la direction générale ne s’intéressait plus qu’au taux horaire de production et aux relations avec les syndicats. Aujourd’hui, ce groupe ne fabrique plus aucune batterie en France et tout ce que j’avais patiemment réussi à construire a donc disparu.

Des ambitions contrariées

Après cette expérience, j’ai racheté avec des amis, à la barre du tribunal, une entreprise du secteur automobile qui comptait 170 salariés. Elle était à l’arrêt depuis six mois et il fallait tout reconstruire à partir de zéro : la faire à nouveau homologuer par les constructeurs, développer le chiffre d’affaires, etc. Pendant sept ans, tout s’est bien passé. Puis nous avons rencontré un aléa économique : les cours des matières premières s’étant envolés, il fallait réinjecter des fonds dans l’entreprise. J’étais prêt à le faire, car j’avais envie de développer cette société, mais mes amis, qui étaient assez âgés, n’avaient pas la même stratégie et personne n’a voulu remettre au pot. Nous nous sommes retrouvés au tribunal et nous avons tous été rincés. Je suis resté une année de plus dans l’entreprise, pour passer la main à mon successeur. J’ai néanmoins eu à nouveau l’impression que tous mes efforts avaient été vains.

Ensuite, je suis venu en Mayenne pour diriger une entreprise qui produisait des bus. Je n’étais pas actionnaire, simplement dirigeant et je me suis également beaucoup investi dans cette société. Au bout de quelques années, à la suite de modifications d’actionnariat, mes fonctions ont évolué et je ne m’y suis plus retrouvé.

J’ai alors pris la direction d’un centre technique où j’ai été chargé de mener la fusion avec un autre centre technique. Lorsque cette fusion a été terminée, on m’a remercié.

L’envie de réaliser un rêve

Parvenu à ce moment de ma carrière, j’aurais pu trouver un emploi salarié quelconque ou prendre ma retraite et connaître une vie tranquille, mais, quand je me lève le matin, j’ai envie de me rendre utile. Or, j’aime l’industrie et je suis navré de voir toutes ces usines fermer dans notre pays. Par ailleurs, j’avais envie d’investir dans une société où je serais enfin le seul décideur et dans le cadre de laquelle je pourrais construire “l’usine de mes rêves”, c’est-à-dire une usine moderne, offrant une grande qualité de vie au travail et respectueuse de l’environnement.

C’est dans cet esprit que j’ai acquis, en 2018, STTM, qui employait 27 personnes et dont le propriétaire, âgé, souhaitait prendre sa retraite. C’était une “belle endormie”, qui n’avait fait l’objet d’aucun investissement depuis dix ans, mais qui était reconnue par ses clients pour la qualité de ses prestations. J’avais des idées assez claires sur la façon d’améliorer son fonctionnement et de la développer.

Les métiers de STTM

Le traitement thermique

Le métier historique de STTM est le traitement thermique de l’aluminium. Lorsque l’on coule les pièces dans un moule, les vitesses de refroidissement du métal sont très différentes entre le milieu et le bord des pièces, et il en résulte des propriétés hétérogènes. L’objectif du traitement thermique est de gommer ces différences et d’assurer aux pièces les qualités requises par le cahier des charges du client. Pour cela, on chauffe les pièces à plus de 500 degrés Celsius, puis, une fois que la matière est homogénéisée, on les trempe dans de l’eau à température ambiante, ce qui fige la structure. On dispose ensuite de quelques heures pour “orienter” la matière en la chauffant à nouveau dans un deuxième four (étape appelée le revenu). À défaut, la matière se réorganise de manière aléatoire et on ne peut pas garantir ses propriétés mécaniques.

Lorsque les pièces sont de faible épaisseur, et c’est souvent le cas pour les pièces en aluminium, le fait de les tremper dans une eau à 30 degrés Celsius peut les déformer. STTM a développé et labellisé (pour les aspects environnementaux) un procédé de trempe chaude qui consiste à utiliser de l’eau à une température située autour de 90 degrés Celsius, ce qui limite la déformation. Nous recourons déjà à ce processus pour certaines pièces de fonderie traditionnelle, mais il deviendra indispensable, dans les prochaines années, pour les pièces en aluminium réalisées en impression 3D. Cette technologie, encore peu utilisée, est appelée à se répandre, car l’aluminium, en tant que métal léger, est de plus en plus employé.

Le traitement thermique comprend également le détensionnement des pièces mécanosoudées avant usinage. Cette opération consiste à supprimer les contraintes internes liées à l’apport local d’une chaleur élevée lors des opérations de soudure. Ce traitement est indispensable dans le domaine de la mécanique de précision.

Usinage, mécanosoudure, assemblage

Lors de la création de STTM en 1986, son acronyme signifiait Société de traitement thermique du Maine, et le traitement thermique représentait 80 % de son activité. Peu à peu, ce marché s’est réduit pour ne plus représenter aujourd’hui que 14 % de notre activité. En effet, certaines fonderies ont mis la clé sous la porte, d’autres ont été délocalisées, et la plupart de celles qui travaillent encore, notamment pour les constructeurs automobiles, ont intégré le procédé de traitement thermique. C’est ce qui nous a poussés à développer d’autres métiers et à modifier le nom de l’entreprise, devenu Société de traitement thermique et de mécanique.

L’usinage consiste à enlever des copeaux sur un bloc de matière ou sur une pièce de fonderie, soit par tournage, soit par fraisage. Nous sommes capables d’usiner toutes sortes de pièces, qu’elles soient en aluminium, en acier, en inox, en plastique ou en métaux cuivreux, qu’il s’agisse de pièces unitaires ou de petites séries, et dans des tailles allant jusqu’à 3 mètres de long, 1 mètre de large et 1,4 mètre de hauteur. Les outillages nécessaires sont conçus par notre propre bureau d’études et réalisés en interne.

La mécanosoudure permet de fabriquer des sous-ensembles à partir d’éléments simples. Nous disposons, pour cela, de soudeurs qualifiés, qui maîtrisent les procédés MIG (Metal Inert Gas) et TIG (Tungsten Inert Gas) et peuvent travailler aussi bien sur l’aluminium que sur l’acier et sur l’inox.

L’assemblage est réalisé dans une salle de montage propre, à partir des pièces réalisées dans les différents ateliers et en y ajoutant d’autres éléments, tels que des composants électriques ou pneumatiques. Il comprend également des prestations de finition (traitement de surface, peinture, sérigraphie…) qui sont sous-traitées.

L’exigence de qualité

Je range aussi parmi nos métiers l’exigence de qualité. En 2019, STTM a obtenu la certification ISO 9001, qui est désormais un prérequis pour recevoir des commandes. Nous allons bien au-delà, grâce à une très forte proximité avec nos clients qui nous permet de répondre au mieux à leurs attentes. Nous disposons, en particulier, d’un laboratoire de métrologie, avec une machine à mesure tridimensionnelle qui nous permet de contrôler toutes les cotes fonctionnelles des pièces, en fonction des demandes de nos clients.

L’état des lieux

Pour construire “l’usine de mes rêves”, j’ai mis en place une démarche d’amélioration continue (la méthode PDCA – planifier, déployer, contrôler, agir), consistant à analyser l’état des lieux, définir une stratégie, la mettre en œuvre, évaluer les résultats, puis reprendre ce même processus afin de progresser sans cesse.

Construite en 1986, l’usine avait fait l’objet d’agrandissements successifs, hétérogènes et d’assez mauvaise qualité. Le bâtiment dans lequel se trouvait le traitement thermique n’était pas isolé et les autres l’étaient assez mal. Comme le chauffage au gaz était peu efficace, les collaborateurs avaient froid en hiver et chaud en été. Le traitement thermique s’opérait dans un four chauffé avec des résistances électriques et mal isolé, en sorte qu’il consommait énormément d’énergie. Les éclairages étaient vétustes, de même que le réseau d’air comprimé. L’espace des ateliers étant restreint et les flux mal organisés, toute croissance de l’activité était exclue. Enfin, le bungalow qui tenait lieu de locaux sociaux était inadapté.

Le projet d’entreprise

Pour établir notre projet d’entreprise à l’horizon 2025, nous avons commencé par définir notre raison d’être : « Développer et mettre en œuvre des solutions technologiques dans le domaine de la mécanique de précision permettant de répondre de la meilleure façon aux objectifs de nos clients, avec un impact minimal sur la planète. »

Nos cinq axes stratégiques étaient : le déménagement de l’entreprise vers un site proche (afin de ne pas risquer de perdre des salariés) et la construction d’un bâtiment moderne et technologique ; l’amélioration du bien-être et la montée en compétence des collaborateurs ; la réduction des impacts environnementaux ; le développement des relations et des partenariats avec l’ensemble des parties prenantes ; la participation au développement local.

Un nouveau site industriel

Quand j’ai commencé à expliquer à mes collaborateurs que j’allais construire une nouvelle usine, ils m’ont regardé avec de grands yeux et, manifestement, ne m’ont pas cru. Mais je respecte mes engagements et j’ai tenu parole.

La construction de l’usine a coûté 3 millions d’euros et l’achat des nouvelles machines, 1,5 million d’euros. Nous avons bénéficié de 800 000 euros de subventions dans le cadre du plan France Relance. Nous avons également reçu le soutien de la région et de l’agglomération. J’ai apporté environ 10 % des fonds et les banques ont prêté le reste.

Nous avons prévu d’éventuelles extensions sur deux côtés de l’usine, qui permettront, le moment venu, de doubler pratiquement sa capacité, sans avoir à remanier tous les flux ni tous les réseaux, dans la mesure où ces extensions ont été anticipées.

La réduction de l’empreinte carbone

La création de cette nouvelle usine nous a permis de prendre diverses mesures pour réduire notre empreinte carbone.

Isolation et récupération de la chaleur et du froid

L’usine a été conçue avec une très bonne isolation thermique et, en ce qui concerne les ateliers, avec des systèmes thermodynamiques à haut rendement, c’est-à-dire de grosses pompes à chaleur dont le rendement est supérieur à 3, ce qui signifie qu’à 1 kilowattheure électrique dépensé correspondent 3 kilowattheures thermiques, que ce soit en chaleur ou en froid. Même si les nouveaux fours et bacs de trempe sont très bien isolés, l’apport de calories est souvent suffisant, en hiver, pour que nous n’ayons pas besoin de chauffer les ateliers. Les pompes à chaleur servent essentiellement à les rafraîchir en été et permettent d’assurer une température moyenne de 19 degrés Celsius en hiver et 25 degrés Celsius en été.

Le système est, par ailleurs, doté de capteurs qui analysent les températures intérieures et extérieures : lorsqu’il fait plus frais dehors, notamment pendant la nuit, le rafraîchissement se fait par apport d’air externe, ce qui évite de faire fonctionner les compresseurs. À partir de 2024, nous allons travailler en trois-huit et ce sera alors particulièrement utile.

Le bac de la trempe chaude est complété par un échangeur à plaques que nous avons conçu, dimensionné et réalisé nous-même. Il permet de récupérer la chaleur du bac de trempe en hiver pour chauffer l’atelier et de rejeter les calories à l’extérieur en été, pour éviter d’avoir à faire fonctionner les pompes à chaleur. Aujourd’hui, nous travaillons essentiellement en trempe à température ambiante, mais, lorsque le marché de la trempe chaude se développera, ce dispositif sera particulièrement utile.

Quant aux bureaux, l’isolation réduit fortement l’impact du rayonnement solaire pendant l’été et le besoin de climatisation. En hiver, des radiateurs servent d’appoint.

Électrification et réduction de la consommation électrique

L’ancienne usine de STTM était chauffée au gaz, ce qui avait entraîné, en 2021, l’émission de 55 tonnes de GES (gaz à effet de serre). La nouvelle usine recourt exclusivement à l’énergie électrique, ce qui a supprimé toute émission directe de GES.

Le remplacement de l’ancien grand four par deux petits fours très bien isolés a généré une économie de 10 % de consommation d’électricité.

Le réseau d’air comprimé étant neuf, il ne comporte aucune fuite et, comme il est constitué simplement de deux grosses boucles, il est facile à maintenir en état. De plus, nous avons choisi un compresseur à vitesse variable qui s’adapte exactement à la consommation, ce qui entraîne également d’importantes économies. Les anciens compresseurs ont néanmoins été conservés pour pouvoir servir en cas de besoin. Nous les faisons fonctionner une heure par semaine, afin de les maintenir en état de fonctionnement.

Le nouveau bâtiment comprend des baies vitrées (et non des fenêtres, qui seraient incompatibles avec la gestion de la température) et de l’éclairage zénithal en toiture, afin de limiter la demande en éclairage artificiel. Celui-ci est assuré avec des ampoules LED, économes en énergie. Un interrupteur général permet de couper l’ensemble des éclairages lorsque l’usine est fermée.

Enfin, nous avons installé des compteurs pour chaque point important de consommation (compresseurs, éclairage, air conditionné…) avec des indicateurs qui sont suivis tous les mois, afin de détecter d’éventuels dysfonctionnements.

Production photovoltaïque

La partie de la toiture située au-dessus de la plateforme de stockage des déchets a été recouverte d’une centrale photovoltaïque de 600 mètres carrés, exposée plein sud. Au mois de décembre 2023, cette centrale a couvert 2 % de nos besoins, mais, en été, elle nous permet d’assurer jusqu’à 30 % de notre consommation. En moyenne, elle couvre 15 % de nos besoins. Le plan d’extension de l’usine prévoit une augmentation de 400 mètres carrés de la surface de cette centrale.

J’aurais souhaité pouvoir revendre une partie de l’électricité produite, par exemple celle correspondant aux trois semaines de fermeture, au mois d’août, mais, à ce jour, la complexité de la règlementation ne nous a pas permis de combiner autoconsommation et revente.

Captation du CO₂ et protection de la biodiversité

Nous avons décidé de préserver un grand chêne de 150 ans, situé à l’entrée de l’usine, et nous avons planté une haie bocagère d’une centaine de mètres de long, ce qui nous permet de capter un peu de CO₂. Le bénéfice principal est cependant la préservation de la biodiversité. La haie a été plantée il y a un peu plus d’un an, ses arbres mesurent 1,50 mètre et elle accueille déjà beaucoup de vie.

Dans le même esprit, nous avons privilégié, pour la construction de l’usine, des matériaux à faible impact environnemental, comme de la peinture produite en Bretagne à partir d’algues pour les locaux sociaux.

Choisir des partenaires de proximité

Afin de limiter le transport routier, nous veillons à choisir des fournisseurs situés à proximité de l’usine, ce qui permet de réduire nos émissions de GES. Deux fournisseurs seulement font exception : l’un, qui se trouve en Espagne, nous a été imposé par l’un de nos clients ; l’autre est suisse, car nous n’avons pas trouvé d’équivalent en France. La grande majorité de nos autres fournisseurs sont situés dans le quart nord-ouest de la France.

Écoconception

STTM dispose de son propre bureau d’études, car, auparavant, nous produisions des machines spéciales. Aujourd’hui, nous nous contentons de renouveler les machines produites dans le passé, mais nous n’en développons plus, sauf en cas de demande particulière d’un client. Nous avons cependant conservé notre bureau d’études et, chaque fois que possible, grâce à nos bonnes relations avec nos clients, nous leur proposons de l’écoconception. En effet, ils n’ont pas toujours une vision claire des contraintes des process utilisés en fabrication pour la réalisation des pièces qu’ils commandent. Nous pouvons, par exemple, leur suggérer des économies de matière – qui réduisent le volume de déchets en fin de vie –, mais aussi des économies de process : fabriquer une pièce plus rapidement permet de réduire la consommation d’énergie. Tout le monde y gagne.

Les résultats

Le bilan carbone s’articule en trois niveaux d’impact, appelés scopes. Dans notre entreprise, les émissions directes de GES, correspondant au scope 1, sont désormais de 0.

Le scope 2 correspond aux émissions indirectes liées à la consommation d’électricité. Entre 2020 et 2023, notre consommation d’électricité est passée de 900 000 à 750 000 kilowattheures, dont environ 50 000 kilowattheures d’énergie photovoltaïque produite sur place. Lorsqu’on rapporte cette consommation au chiffre d’affaires, qui est passé d’un peu moins de 2,5 millions d’euros en 2020 à un peu plus de 3 millions d’euros en 2023, la réduction de la consommation est encore plus perceptible. Le nombre de kilowattheures consommés par euro facturé est ainsi passé de 0,37 en 2020 à 0,22 en 2023.

Pourtant, nos émissions de CO₂ indirectes liées à la consommation d’électricité sont passées de 40 tonnes en 2020 à 70 tonnes en 2022. Ceci s’explique par la diminution de la production d’électricité d’origine nucléaire en 2022 et par l’augmentation proportionnelle de la part des importations dans la fourniture d’électricité. Notre scope 2 aurait pu être réduit de moitié si le profil de l’électricité achetée était resté le même qu’en 2020. Ceci nous incite à augmenter notre production d’énergie photovoltaïque, ce qui est prévu dans le projet 2030.

Le scope 3 recouvre les émissions indirectes associées aux produits vendus. Certaines de ces émissions sont hors de notre contrôle. Nous pouvons agir sur le transport de nos collaborateurs, sur le fret interne et sur le fret de nos sous-traitants, mais pas sur les frets amont et aval. De même, nous pouvons réduire les émissions lors de la transformation des matières premières en produits, mais pas lors de l’extraction des matières premières ni lors de l’utilisation des produits finis. Nous pouvons également réduire nos déchets de fabrication, mais nous ne pouvons pas agir sur les déchets en fin de vie.

En ce qui concerne le transport, nous disposons de données uniquement pour les transports amont et aval commandés par STTM. Les transporteurs doivent, en effet, fournir ces informations à leurs donneurs d’ordres. Durant les onze premiers mois de 2023, les transports que nous avons commandés ont généré 17,5 tonnes de CO₂. Nous sommes en train de calculer le bilan carbone des déplacements entre le domicile et le travail de nos collaborateurs, et de nos déplacements professionnels.

Réduire la consommation d’eau

Chaque bac de trempe contient 3 mètres cubes d’eau et lorsque l’on plonge des pièces à plus de 500 degrés Celsius dans l’eau à température ambiante, ou lorsque l’on chauffe l’eau à environ 90 degrés Celsius pour la trempe chaude, cela provoque de l’évaporation. Lors de la construction de l’usine, nous avons prévu une grande cuve de stockage d’eau de pluie d’une capacité de 20 mètres cubes, alimentée par les eaux de toiture. Nous pouvons ainsi compenser l’évaporation de l’eau des bacs de trempe par cette eau de pluie en circuit fermé, c’est-à-dire sans recourir à l’eau de ville. Entre 2021 et 2023, nous avons divisé par deux notre consommation d’eau de ville, celle-ci n’étant plus utilisée que pour les besoins sanitaires.

La gestion des déchets

La gestion des déchets de l’entreprise nécessite des efforts quotidiens et repose sur la mobilisation de chacun. Nous avons apposé des affichettes avec trois recommandations : « Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. Bien choisir la benne, c’est top. Avoir des idées pour réduire les déchets, c’est super top ! »

À part les DIB (déchets industriels banals), tous les déchets de l’entreprise sont recyclés. Les rebuts, tels que les copeaux de matière (plastique, laiton, inox…) issus des process de fabrication, sont récupérés et stockés dans des bennes correspondant à chacun des matériaux. Ces bennes sont accolées au bâtiment, de sorte que le conducteur du chariot élévateur n’a pas besoin de sortir de l’usine pour déposer les déchets, ce qui évite, au passage, que les roues de l’engin ne transportent de la pollution diffuse à l’extérieur.

Une entreprise où il fait bon vivre

Confort thermique et acoustique

L’isolation thermique du bâtiment et le conditionnement de l’air ont nettement amélioré le confort de nos collaborateurs, en particulier lors des périodes de canicule et de grand froid. Nous avons également veillé à son isolation acoustique. Derrière le bardage intérieur des murs, qui est percé de petits trous, se trouve une couche de laine de roche. Les bruits émis par les machines se propagent sous forme d’ondes, qui sont tantôt réfléchies par le métal, tantôt amorties par la laine de roche. Après deux ou trois réflexions, le taux de décibels diminue nettement. Au total, le niveau sonore de l’usine a baissé d’environ 30 décibels par rapport à celui des anciens ateliers, ce qui contribue considérablement au confort des salariés.

Communication directe avec les collaborateurs

J’attache une grande importance à la communication directe avec les collaborateurs. Je les vois tous les jours et je me tiens à leur écoute. Les informations les plus importantes sont affichées dans l’entreprise (chiffre d’affaires, qualité, coût de la non-conformité…) et j’organise deux grandes réunions chaque année. La première a lieu en janvier, pour présenter le bilan de l’année passée, les points forts et les points faibles, ainsi que les enjeux de l’année à venir. Un bilan intermédiaire est présenté à mi-parcours de l’exercice. Des réunions spécifiques sont également organisées en fonction des projets.

Formation, solidarité, accueil des scolaires

Un plan de formation permet de faire monter les collaborateurs en compétence et de développer leur employabilité.

Nous faisons appel à des ESAT (établissements et services d’aide par le travail) pour le nettoyage de nos vêtements professionnels et pour la réalisation de petits assemblages.

Nous investissons beaucoup dans la formation et l’emploi des jeunes, en accueillant en visite ou en stage des élèves de troisième, des lycéens préparant un bac professionnel et des étudiants en enseignement supérieur, ainsi que, en permanence, deux personnes en formation en alternance se préparant au métier de l’usinage. Nous essayons de promouvoir cette profession et de montrer qu’il ne s’agit plus du tout d’un métier physique et “sale” comme autrefois. Grâce aux commandes numériques, il est désormais accessible à tous et à toutes.

En mars 2024, nous allons recevoir des conseillers d’orientation et des enseignants de collège très impliqués dans l’orientation des jeunes, pour leur montrer que les métiers de l’usinage sont des métiers nobles, pleins d’avenir dans la mesure où la France est en train de se réindustrialiser, et les sensibiliser au fait que ces métiers sont en tension dans toute la France.

La responsabilité économique

Assurer la pérennité de l’entreprise

Si STTM avait conservé son ancien site, peut-être n’existerait-elle plus aujourd’hui, en raison des mauvaises conditions de travail qu’elle offrait, du manque de prise en compte de l’environnement et de l’impossibilité physique de développer son activité.

Lorsque j’ai racheté cette société, elle réalisait un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros avec 27 collaborateurs. Elle est déjà passée à un peu plus de 3 millions d’euros, avec 33 collaborateurs, et j’ai l’intention d’atteindre un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros d’ici deux à trois ans, ce qui nécessitera d’embaucher une vingtaine de personnes supplémentaires.

Pour assurer la pérennité de STTM, nous veillons à diversifier les secteurs industriels pour lesquels nous travaillons (alimentaire, nucléaire, médical, robotique, optique, aéronautique, défense…), mais aussi nos clients. Si deux d’entre eux représentent 20 % de notre chiffre d’affaires, le reste est réparti entre 70 clients différents.

Innovations et investissements

Depuis 2019, nous avons développé la trempe chaude et acheté 5 centres d’usinage à commande numérique, ce qui est indispensable pour attirer de nouveaux talents. Nous avons d’autres perspectives d’investissement, comme l’extension de la centrale photovoltaïque, la fabrication additive en aluminium, ou encore le FSW (Friction Stir Welding), soit le soudage par friction malaxage.

Ma méthode consiste à préparer à l’avance les projets et les dossiers d’investissement, de sorte que, dès que les conditions économiques sont réunies et que je trouve des solutions de financement, je puisse “appuyer sur le bouton”. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour la construction de la nouvelle usine. Lorsque le plan de relance a été annoncé, mon dossier était déjà prêt. Je l’ai mis en ligne et, une semaine plus tard, j’obtenais une réponse favorable. STTM a été l’une des deux premières entreprises de Mayenne à bénéficier de ce plan.

Sachant que nous disposons de place pour étendre la nouvelle usine, je suis ouvert à toutes les opportunités de rapprochement avec des sociétés exerçant des activités similaires ou complémentaires.

Contribution au développement économique régional

STTM a été partenaire du lancement de la plateforme régionale NosEmplois.fr, qui regroupe toutes les offres d’emplois et de stages de la région Pays de la Loire. Elle est aussi administratrice de l’école de production orientée usinage, qui a ouvert ses portes à Laval en septembre 2023.

De nombreuses récompenses

Nos efforts nous ont valu un certain nombre de récompenses. STTM a été nommée dans la catégorie Trophées de l’industrie durable 2023 de L’Usine Nouvelle. Le jury des Trophées Industrie Grand Ouest nous a attribué, en 2022, le prix de l’Industrie verte, qui récompense « l’entreprise la plus performante dans la transition écologique et la lutte contre le dérèglement climatique ». Notre entreprise a également reçu le label Initiative Remarquable et nous avons été admis dans la communauté du Coq vert, portée par Bpifrance.

Débat

Faire table rase ou améliorer l’existant ?

Un intervenant : Vos confrères industriels sont-ils tentés de vous imiter ou trouvent-ils qu’une telle transformation est trop coûteuse ?

Alain Zelverte : Faire table rase est plus onéreux qu’améliorer l’existant, mais c’est aussi plus efficace, car cela permet de tout optimiser. Cela dit, certaines mesures concernant des bâtiments existants, comme l’isolation, peuvent être subventionnées, dans certains cas, et d’autres sont peu coûteuses. La plantation de la haie bocagère n’a représenté que 5 000 euros. La préservation du chêne de 150 ans, en revanche, a coûté 40 000 euros, car elle a nécessité d’enterrer en partie le bassin des eaux pluviales.

Int. : Seriez-vous en mesure de publier des chiffres sur la rentabilité de vos investissements en RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), même si ce n’est pas obligatoire pour une entreprise de votre taille ?

A. Z. : Nous donnons déjà quelques informations sur notre site Internet et, en 2024, nous allons refondre la partie RSE et publier quelques-uns des indicateurs que nous suivons au quotidien. Pour la partie énergie, par exemple, je sais exactement ce que j’achète, ce que je produis et combien cela me coûte. En raison du contexte actuel de coût de l’énergie, la centrale photovoltaïque va être amortie en quatre ans, et non en quatorze ans comme prévu initialement.

Globalement, le bilan financier des années 2021 et 2022 n’est pas très bon, car il correspond aux années de la construction et du déménagement, mais l’excédent brut d’exploitation a néanmoins augmenté de 200 000 euros en 2022 et va encore progresser très fortement en 2023.

L’intéressement

Int. : Avez-vous mis en place des dispositifs d’intéressement pour vos salariés ?

A. Z. : J’ai pris un certain nombre de mesures destinées à éviter un éventuel turnover et à attirer des jeunes, comme le fait de moderniser les outils de travail, mais aussi d’instaurer un intéressement et de proposer un plan d’épargne d’entreprise. Par ailleurs, chaque fois que l’objectif du meilleur chiffre d’affaires mensuel est dépassé, l’ensemble du personnel (ateliers et bureaux) reçoit une prime.

La prise de décision

Int. : Prenez-vous les décisions seul ou de façon collective ?

A. Z. : À mon arrivée, j’ai recruté un responsable qualité et un responsable maintenance, et j’ai constitué un comité de direction qui se réunit tous les lundis matin et m’aide à prendre les décisions. L’achat des nouveaux centres d’usinage, par exemple, n’était pas prévu au moment de la reprise. Le projet d’entreprise a été construit avec le comité de direction et avec des apports de l’ensemble des collaborateurs, qui ont été sollicités, en particulier sur les plans de la nouvelle usine.

Un triple bénéfice

Int. : Ce qui est très frappant, dans votre modèle, c’est que vous avez amélioré à la fois la protection de l’environnement et la qualité de vie au travail.

A. Z. : Les retombées économiques sont également très importantes. L’amélioration de l’isolation thermique a permis de réduire considérablement la consommation d’énergie. La facture a augmenté en raison de l’explosion des coûts de l’énergie, mais cela aurait été bien pire si nous n’avions pas modernisé notre installation.

De même, le fait d’optimiser les flux nous a fait progresser en productivité : au lieu de passer du temps à déplacer des palettes, les collaborateurs se consacrent à la production.

Les nouveaux locaux, climatisés à 25 degrés Celsius, avec un niveau sonore contrôlé, permettent aussi de travailler beaucoup plus efficacement.

J’ai, par ailleurs, découvert que nos efforts en matière de RSE pouvaient avoir des répercussions économiques, car les grands groupes sont soumis à l’obligation de réaliser des rapports extrafinanciers et, à prix égal et à qualité comparable, ils privilégient les fournisseurs affichant de bons scores en RSE.

Le compte rendu de cette séance a été rédigé par :

Élisabeth BOURGUINAT