Exposé de Marc-Olivier Bitker

Depuis neuf ans, je dirige le département d’uro-néphrologie et de transplantation groupe hospitalier parisien de la Pitié-Salpêtrière, géré par l’Assistance publique –Hôpitaux de Paris (AP-HP). Sur les 2 000 lits que compte cet hôpital, ce département dispose de 69 lits d’hospitalisation complète, dont 45 d’urologie, 14 de transplantation et 10 de néphrologie. Ce sont donc trois spécialités, avec des problématiques quelque peu différentes, que je gère au quotidien. Les patients que nous prenons en charge ont tous accès à une unité de chirurgie ambulatoire, ce qui représente des possibilités de soins supplémentaires. Cette structure emploie environ 200 salariés, dont 32 médecins et chirurgiens. Elle génère 5 500 séjours hospitaliers par an – dont 4 500 impliquent des actes chirurgicaux – et environ 30 000 consultations externes. Concernant les finances, préoccupation majeure de tous les directeurs de groupe hospitalier, cela a représenté environ 21 millions d’euros de recettes en 2016, sachant que les dépenses sont très légèrement inférieures.

Les atouts du postulant

Quel est donc le profil requis pour un médecin afin qu’il puisse au mieux exercer la fonction de dirigeant/manager, en plus de celles qu’il exerce naturellement en matière de soins, de recherche et d’enseignement dans le cadre d’un service hospitalo-universitaire ? En premier lieu, il lui faut une parfaite connaissance du fonctionnement administratif de l’hôpital et de ses aspects économiques dont, tout particulièrement, la comptabilité analytique hospitalière, discipline qui n’a cependant jamais été évoquée durant ses études. Les médecins ont donc tendance à penser que c’est depuis que des économistes s’en occupent que la Santé coûte aussi cher et que les hôpitaux sont systématiquement en déficit…

L’aptitude à la gestion des conflits est une seconde qualité nécessaire. La vie en milieu hospitalo-universitaire fait en effet émerger des gens dotés d’un ego surdimensionné, en particulier chez les chirurgiens. Comme chacun veut, en permanence, mettre en avant ses particularismes et se pousser au premier plan, le chef de service doit savoir gérer ces tensions, ce qui n’a rien d’évident.

Il lui faut ensuite être prêt à conduire le changement dans une période de mutation de l’hôpital public. Après le passage du budget global à la tarification à l’activité, d’autres phénomènes sont apparus, visant tous à réduire les coûts de l’hospitalisation publique. Cela passe par la réduction du nombre de lits et une meilleure efficience économique. Il doit donc être capable d’accepter tout cela et ne pas rester bloqué sur l’idée qu’il sera d’autant plus puissant qu’il aura un nombre élevé de lits dans son service. Chaque suppression de lit serait alors vécue comme une blessure narcissique l’empêchant de réfléchir sereinement à une meilleure utilisation des lits restants.

Enfin, il lui faut être reconnu comme une personne-ressource, à laquelle on puisse avoir recours dans des situations extrêmement variées. Cela va de l’intervention en cas de saignement brutal au bloc opératoire, quand on est chirurgien, à la gestion de différends entre des personnels, en passant par la capacité à dialoguer avec des personnages éminents. Cela exige d’être en permanence sur la brèche et je dois avouer que le téléphone portable, depuis son apparition, a répondu à un besoin fondamental de réactivité du chef de service, quoiqu’aux dépens de son confort et de celui de son entourage.

Lorsque l’on est mis en situation de diriger un service hospitalo-universitaire, quelle formation a-t-on reçu à cette fin ? En ce qui me concerne, la réponse est simple : aucune ! Il existe cependant une école de management pour les médecins des hôpitaux, l’EMAMH, destinée aux praticiens hospitaliers et aux cadres supérieurs hospitaliers. En 2009, lorsque je suis passé devant la commission qui m’a confié la responsabilité de ce service, on m’a demandé pourquoi je n’avais pas suivi cette formation. M’attendant à cette question, j’ai répondu qu’au regard de mon parcours, il me semblait que c’eût été quelque peu tardif, et que les gens qui l’avaient suivie ne m’avaient pas toujours convaincu de sa pertinence. Mon chef de service, auquel j’allais succéder et qui siégeait dans cette commission, a alors ajouté ironiquement : « Il dit cela pour moi ! » Je n’avais donc eu aucune formation avant de me retrouver à la tête de deux cents personnes dont il fallait gérer les attentes et les besoins.

Ce n’est qu’en préparant ce séminaire que j’ai été amené à réfléchir, rétrospectivement, aux atouts qui avaient pu être les miens pour accéder à cette fonction, en dépit de ce manque.

J’avais alors 58 ans et j’étais en bonne santé. Cet âge, garant d’une certaine expérience et d’un tempérament plus réfléchi, a probablement été un premier atout pour une telle prise de responsabilité. J’avais aussi, et je crois encore avoir, une facilité de communication reconnue, incitant les gens à m’aborder naturellement.

Dans un registre plus objectif, j’avais une ancienneté notable à la Pitié-Salpêtrière puisque j’y suis arrivé comme étudiant, le 4 décembre 1968, et qu’à de rares moments près, je ne m’en suis jamais éloigné. J’y connaissais tout le monde, tout le monde me connaissait et j’avais la sensation d’être étroitement lié à cette énorme famille. Mon expérience hospitalière était conséquente et me valait la reconnaissance de mes pairs au sein tant de la structure que de la communauté urologique parisienne et française. Je me sentais donc assez à l’aise sur ce plan.

On me reconnaissait également une certaine capacité à admettre mes torts. Quand vous prétendez certaines choses, de bonne foi, et qu’au final, on vous démontre par A+B que ce n’est pas tout à fait juste, voire complétement faux, si vous êtes capable de le reconnaître de bon gré, vos interlocuteurs poursuivent alors volontiers la discussion avec vous, sans blocage.

Le dernier point touche ce que l’on dit être mon fonctionnement à l’affect. Je ne sais si c’est un atout ou un défaut, mais c’est là un vrai sujet. Pour ma part, je considère plutôt cela comme une force, même si ce qui me fait ressentir un affect positif envers mon interlocuteur peut parfois sembler discutable.

Les problématiques du praticien hospitalier

En premier lieu, le chef de service que je deviens, en septembre 2009, découvre toute l’importance des liens avec l’administration hospitalière, ce qui sera le changement majeur auquel je serai confronté dans cette nouvelle vie. J’endosse en effet un double rôle de négociateur, afin d’obtenir de ceux qui tiennent les cordons de la bourse ce dont le service a besoin, et de porte-parole de la communauté hospitalière que je représente désormais. C’est sur ce point que, faute d’y avoir été suffisamment préparé, j’ai dû le plus travailler.

J’ai également dû assumer un double positionnement vis-à-vis des médecins et chirurgiens du service, en tant que leader et régulateur. J’étais mieux préparé à cet aspect de ma nouvelle fonction puisque je vivais dans ce milieu depuis plusieurs décennies et que j’avais toujours eu d’excellentes relations avec mes collaborateurs, à quelques exceptions près.

Les relations avec le personnel non médical sont fondamentales. Si l’ego d’un chirurgien est déjà fort, et si être, par ailleurs, professeur de médecine élève cette force au carré, devenir chef de service l’élève désormais au cube ! Pour un tel personnage, reconnaître, in fine, qu’il ne serait rien sans ses collaborateurs non médecins, en l’espèce le brancardier, l’aide-soignante ou la secrétaire, n’est pas forcément spontané. Personnellement, j’ai toujours eu avec ces collaborateurs une relation d’égal à égal, car j’ai assez rapidement compris que je ne récupérerai qu’en proportion de ce que je donnerai. Tenir un rôle d’agent de liaison entre des gens fort différents, du fait de la sociologie du monde hospitalier, n’est pas forcément simple et il faut donc que chacun fasse l’effort d’aller vers l’autre.

Un de mes objectifs était de maintenir, voire d’améliorer, la situation du service d’Urologie de la Pitié-Salpêtrière et sa bonne réputation au sein de la communauté de la spécialité, aux niveaux régional, national et international. Dans cette dernière dimension, le rôle de figure de proue du leader est essentiel et j’ai la chance d’être entouré d’un certain nombre de collaborateurs remarquables, dotés de facilités de communication dans différentes langues étrangères, ce qui est nouveau chez les médecins. Aujourd’hui, leur aura est telle qu’ils sont largement reconnus comme leaders dans les différentes sous-spécialités de leurs disciplines, en Europe comme au-delà.

Il me fallait également prendre conscience du fait que la structure dont j’avais reçu la charge nécessitait amélioration et promotion, ce qui me mettait en situation d’entrepreneur. Les locaux avaient urgemment besoin d’une rénovation, douze ans après la précédente, et d’une adaptation aux nouvelles exigences de la médecine, afin de recevoir les patients dans les meilleures conditions. C’est à moi qu’il incombait dorénavant d’obtenir, par le biais de mes bonnes relations avec l’Administration, les crédits nécessaires.

Enfin, le rôle le plus passionnant d’un chef de service est de promouvoir ses jeunes collaborateurs, en repérant, parmi les internes qui passent dans son service ou parmi les jeunes chefs de clinique qu’il a choisis, ceux qui ont le potentiel de faire une carrière hospitalo-universitaire. Ensuite, il lui faut trouver, auprès du doyen de la faculté et du directeur de l’hôpital, les moyens nécessaires pour les titulariser, afin qu’ils puissent commencer à gravir tous les échelons

Les bonnes résolutions

La première des bonnes résolutions que j’ai prises a été de consacrer davantage de temps à l’écoute et à la gestion.

Ensuite, ce qui était plus difficile, il m’a fallu “baisser le rideau” sur mon ego. C’était lui qui m’avait amené là où j’étais, mais je devais cesser de vivre, pour moi-même ou mes malades, mon métier de chirurgien pour me mettre au service d’une équipe. Il fallait donc qu’en permanence toute mon action soit désormais dirigée par la mise en valeur de la structure dont j’étais devenu le responsable.

J’ai notamment dû apprendre à ne prendre la parole qu’après les autres, lorsque toutes les opinions ont été exprimées. Comme il est souvent d’usage dans les staffs médicaux, lorsque les internes ou les assistants montrent leurs dossiers, j’avais été éduqué à toujours parler le premier afin de montrer que, moi, je savais. Dans les facultés de médecine, on vous inculque en effet que c’est vous le sachant et que les autres en savent moins que vous, en particulier le malade, ce qui est, évidemment, complètement faux. Quand vous avez baigné, depuis des décennies, dans ce mode de fonctionnement très extraverti, cesser de vous mettre en avant en permanence, de faire des colères quand on vous prive de quelque chose dont, en fait, vous n’avez pas vraiment besoin, est très difficile. Cependant, laisser les autres parler en premier présente l’avantage de permettre de se forger une opinion sur leur valeur respective, et donne tous les arguments utiles pour clore un débat et prendre une décision.

Je me suis également engagé à assurer aux personnels du service une juste répartition entre les fonctions valorisantes et celles plus ordinaires. Par exemple, envoyer un assistant présenter son sujet de prédilection dans un colloque qui se tient dans un endroit agréable est très valorisant pour lui. En revanche, si vous lui confiez une tâche de codage informatique, qui sert à faire rentrer l’argent dans l’hôpital, son enthousiasme risque fort d’être moindre. Il faut donc s’efforcer de répartir, de façon équitable, ces différentes tâches, sans valoriser en permanence tel ou telle, au détriment des autres.

Enfin, il n’y a pas de management sans projet. Lors de ma candidature, j’avais donc soumis un projet de service, par lequel je m’engageais sur quatre points. Le premier concernait l’organisation de la transplantation en commun avec les néphrologues, le deuxième portait sur la prise de rendez-vous en consultation externe, le troisième visait le développement de l’activité du service, que j’avais fixé à 30 % en quatre ans, et le dernier était la réorganisation de la sortie des patients par le biais d’une consultation dédiée.

La corbeille de la mariée

Après avoir pris mes nouvelles fonctions, je me suis trouvé confronté à des réalités que je n’avais pas pressenties. Je me suis aperçu qu’il y avait des gens, au sein du service, avec lesquels je pensais avoir des relations saines qui allaient vite devenir assez difficiles. Ils se demandaient sans doute pourquoi j’occupais, plutôt qu’eux, ces nouvelles fonctions. Il m’a fallu faire preuve de beaucoup de prévenance et de fermeté pour leur faire admettre qu’il en était ainsi et que cela était appelé à durer.

Je me suis également vite rendu compte de la nécessité d’avoir des relais au sein du service pour accéder à toute l’information et d’identifier le “chef de réseau” vers lequel converge, pour des raisons mystérieuses, l’ensemble des informations auxquelles je ne suis pas censé avoir accès. Comme l’information, c’est le pouvoir, il est essentiel, dans de telles structures, d’y avoir le plus large accès afin d’agir au mieux. Cela sert aussi, parfois, à se protéger de rumeurs infondées ou de manœuvres destinées à vous nuire.

L’abandon des attitudes infantiles est une autre difficulté. J’ai été élevé dans un respect, sans doute excessif, des titres et des fonctions et, jusqu’à ce que je devienne chef de service, je n’avais jamais pu, par exemple, tutoyer le doyen, ni l’appeler par son prénom. Pour enfin me tenir sur un pied d’égalité avec lui, il m’a fallu faire un effort considérable sur moi-même.

Toute ma vie, j’ai vu des chefs de service “faire de la cavalerie”, c’est-à-dire demander dix postes, sachant qu’ils n’en avaient besoin que de six. Je pense que c’est là un très mauvais mode de gestion et qu’il vaut mieux dire : « Je n’en demande que cinq, mais, si je suis en difficulté, je reviendrai vers vous pour obtenir ce sixième poste. » J’ai toujours fonctionné ainsi depuis ma nomination et, jusqu’à présent, je m’en suis très bien porté, ayant toujours obtenu ce que je demandais.

La difficulté liée au choix des collaborateurs s’est aussi très vite imposée à moi. Vous tenez à en garder certains, qui préfèrent pourtant partir, et, quelles que soient leurs qualités, il n’est pas possible de les retenir malgré eux. En outre, on se trompe parfois sur la personnalité de certains. Savoir prendre l’avis de quelqu’un qui a une autre perspective sur l’intéressé est alors indispensable.

Dès sa nomination au poste de chef de service, on est très vite confronté à l’indispensable notion de délégation sous contrôle. Il faut cesser de se dire : « Ce sont mes malades, donc c’est moi qui les opère. » Il faut plutôt se dire que les gens que l’on a choisis sont compétents et que, dès lors, on doit leur faire confiance comme à soi-même. Cela n’empêche pas de garder un œil sur ce qui se passe et l’on se doit d’être au bloc opératoire quand on opère l’un de vos malades. Mais il faut faire confiance aux autres, car c’est bien parce que, naguère, l’on m’a fait confiance que j’ai acquis l’expertise qui est la mienne aujourd’hui et que je me dois de transmettre à mon tour.

En préparant cet exposé, j’ai pris conscience qu’un certain nombre de mes pratiques intuitives relevaient clairement des techniques du management. J’ai ainsi réalisé toute l’importance de la présence physique et de l’écoute. Il vous faut être là, physiquement. Vous êtes le patron parce que vous êtes tout le temps là, pas parce que votre titre est inscrit sur la porte de votre bureau. En conséquence, quasiment tous les soirs, je fais la contre-visite, c’est-à-dire que je passe dans les salles, non pas tant pour voir les malades mais pour être aux côtés du personnel, qui est très sensible à votre présence et à votre attention. C’est aussi pour cela que la porte de mon bureau est toujours ouverte, sauf lors de certains entretiens confidentiels. Les gens sont parfois surpris de constater qu’ils peuvent me voir quand ils le souhaitent. Les quelques parenthèses festives, en particulier la réunion annuelle du service, sont également très importantes pour tous, y compris les médecins, car elles soudent le groupe.

Opportunisme et machiavélisme

Néanmoins, la présence physique ne suffit pas toujours et il est parfois nécessaire d’avoir recours à un certain machiavélisme. « Savoir aller sur le terrain de l’autre », préconisait Machiavel dans Le Prince, autrement dit, tant qu’à faire la guerre, autant la faire chez l’adversaire que chez soi, cela limite les dégâts ! Je l’illustrerai par l’anecdote suivante. Lors de ma prise de fonction, le directeur général de la Pitié-Salpêtrière, personnage de très haut niveau intellectuel, probablement un peu manipulé par certains de mes collègues, m’accablait de demandes impossibles. Il me demandait ainsi de passer des 75 greffes de rein annuelles à 100. Passionné par la transplantation, qui est le cœur de mon métier, je ne demandais pas mieux mais, en l’absence de reins disponibles, j’étais bien incapable de le satisfaire, ce qu’il feignait de ne pas comprendre.

Un jour qu’il revenait sur ces 100 greffes, et alors que j’avais pris la précaution de me faire briefer auparavant par un ami, directeur d’hôpital, ainsi que par mon épouse, économiste, je lui ai demandé de me laisser parler dix minutes. Je me suis alors lancé dans un cours de comptabilité analytique hospitalière appliquée à la situation de mon service, en termes de durée moyenne de séjour, de performance, d’indices de sévérité, etc. Au bout de quelques minutes, il a fait venir son comptable qui, ébahi, a validé chacune de mes assertions. Quand j’ai terminé, lui ayant ainsi démontré ma capacité à aller sur son terrain, il m’a demandé où j’avais bien pu apprendre tout cela. Je lui ai alors répondu : « Mais, monsieur le directeur, au même endroit que vous, vous avez appris la transplantation ! » De ce jour, nous nous sommes toujours bien entendus.

J’avais gagné la paix, mais pas forcément obtenu ce que je souhaitais, en particulier l’attribution d’un technicien d’études cliniques (TEC) dédié au suivi de cohortes de malades, tâche essentielle pour un service hospitalo-universitaire faisant de la recherche. En période de réduction d’effectifs, cette requête était systématiquement rejetée. Il faut alors savoir saisir les opportunités quand elles se présentent. J’éconduisais régulièrement un prestataire en matériel de suivi médical qui me proposait les services de sa société, alors que nous étions déjà engagés avec d’autres. À sa énième visite, de guerre lasse, j’ai fini par lui demander, en contrepartie de mon accord, de m’offrir l’impossible, en l’occurrence ce poste de TEC. À mon grand étonnement, il a accepté, sans sourciller, de le financer et, avec l’université, nous avons donc mis au point un accord de mécénat, sur quatre années, renouvelable. Ce partenariat, utilisant l’énergie de l’autre pour notre propre bénéfice, est, pour moi, un modèle de réussite et d’opportunisme, l’université y gagnant un poste de recherche, l’industriel s’ouvrant un nouveau marché et mon service voyant ses besoins satisfaits au-delà de ses espérances, la dotation ayant été augmentée par le prestataire les années suivantes.

L’un des objectifs privilégiés par l’Administration est de réduire les coûts hospitaliers en réduisant le nombre de secrétaires. Puisque les médecins se servent tous de leur ordinateur pour réaliser leurs documents ou que ce travail a été externalisé, puisque les plateformes téléphoniques existent, même si elles sont totalement inaccessibles, etc., il est venu à l’idée de certains que l’on pouvait désormais supprimer les postes de secrétariat. Nous avions la chance d’avoir huit secrétaires dans le service, dont l’une était l’une des dernières à encore être mise à la disposition de l’hôpital par l’université. Celle-ci partant à la retraite un an plus tard, nous craignions de voir son poste nous échapper. À la suggestion avisée de mon assistante, lors de la répartition des postes pour l’année à venir, nous l’avons affectée au secrétariat d’un professeur agrégé de chirurgie nouvellement nommé. L’heure de son départ en retraite venu, il était impensable que l’Administration puisse laisser ce professeur des universités sans secrétariat. C’est parce que nous avions eu l’intuition, quelque peu machiavélique, de mettre en place cette situation un an avant l’échéance, que nous avons ensuite pu obtenir le poste de sa remplaçante sur des crédits hospitaliers, à une époque où cela paraissait impossible.

Les relations avec les représentants du personnel

Bien qu’au sein de la Pitié-Salpêtrière, les syndicats sont relativement actifs, parfois agressifs, j’ai toujours entretenu avec eux les meilleures relations. Nous avons cependant vécu deux épisodes compliqués qui illustrent la façon dont on peut gérer des situations complexes.

En 2003, alors que j’étais responsable de l’unité de transplantation, la CGT, au terme d’un long combat, était arrivée à obtenir de la direction le remplacement de tous les vieux lits de l’AP-HP par des lits électriques, exigence justifiée par la pénibilité, pour le personnel, liée à la manipulation des malades. Cette année-là, l’été fut particulièrement chaud et, bien que ce fût interdit, j’avais autorisé l’ouverture de toutes les fenêtres afin de créer des courants d’air dans l’unité de transplantation, qui n’était évidemment pas climatisée, alors que les patients greffés se déshydratent très facilement. Le hasard faisait qu’un ancien dirigeant de ce syndicat était alors hospitalisé dans le service et que, souffrant comme les autres de la canicule, il se trouvait bien aise de cette entorse au règlement. Or, durant la nuit, voulant bénéficier de plus d’air frais, il lui vint à l’idée de rapprocher le lit de la fenêtre, puis d’actionner la télécommande pour le relever. Ce faisant, un montant du lit a dégondé la fenêtre, qui s’est abattue sur lui. Heureusement pour lui, il ne s’en est tiré qu’avec onze points de suture mais, le lendemain, j’avais, à la porte du service, toute la CGT de l’hôpital qui criait au scandale et réclamait la fermeture de l’unité. Je leur ai volontiers concédé qu’ils avaient parfaitement raison et, qu’en conséquence, il fallait supprimer tous les lits électriques, puisqu’ils étaient à l’origine de l’incident. Dès lors, je n’en ai plus jamais entendu parler !

Le deuxième épisode est survenu peu après ma nomination au poste de chef de service. Un début d’après-midi, deux représentants se sont imposés dans mon bureau, sans prévenir, avec une liste d’une trentaine de revendications. Je les ai alors courtoisement installés et nous avons commencé à traiter les problèmes. Pour chaque sujet, j’appelais l’interlocuteur adéquat pour en débattre avec lui. À 17h00, ils ont commencé à marquer des signes de nervosité, mais je les ai gardés jusqu’en début de soirée, résolvant presque tous les problèmes, un par un. Ils ont compris la leçon, ne se sont plus jamais imposés de la sorte, et nous nous entendons désormais très bien ! Il est important d’écouter les représentants du personnel, car ils peuvent avoir raison sur le fond bien qu’ils aient souvent tort sur la façon dont ils expriment leurs revendications.

Ne jamais avoir peur et savoir surprendre

Du fait de son métier, un chirurgien n’a jamais peur. En effet, quand une artère saigne à flots, vous n’avez pas le choix, il faut stopper l’hémorragie et vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir peur, sinon votre patient meurt. La force donnée par l’absence de peur est alors un atout managérial incomparable. Je m’en suis rendu compte lorsqu’il a fallu changer notre robot chirurgical, devenu obsolète. Notre directrice générale m’avait donné son accord et fixé les démarches à suivre, que j’avais scrupuleusement respectées. L’échéance venue, alors qu’il me fallait 2 millions d’euros, elle décide de ne me donner qu’1 million et me laisse le soin de trouver l’autre. Cela m’aurait été facile, car je venais d’opérer, dans le secteur public précisons-le, le possesseur d’une des premières fortunes mondiales, qui m’aurait donc financé cet achat sans hésiter. Cependant, il aurait ainsi fait de moi son obligé, ce que je ne pouvais accepter en aucun cas. Il se trouve que j’avais alors accès, au plus haut niveau, à l’Élysée. Au téléphone, j’ai piqué une vraie colère et j’ai dit à mon interlocuteur : « Comment pouvez-vous imaginer demander de trouver 1 million d’euros à quelqu’un qui n’a aucune activité dans le privé, quels que soient ses patients ? » Très surpris de ma véhémence, ce personnage m’a demandé un petit délai. Cinq minutes plus tard, je recevais un e-mail me donnant rendez-vous, le lendemain, au ministère de la Santé. J’y ai immédiatement obtenu ce million et nous avons pu changer notre robot. Si vous ne poursuivez pas votre propre intérêt, que vous avez de bons arguments et que vous n’avez pas peur de les faire valoir, vous obtenez généralement ce que vous voulez.

Une fois que vous avez accepté les critiques et reconnu que, sur certains points, vous pouviez avoir tort, il ne faut ensuite jamais lâcher prise. Mes collaborateurs pensent parfois qu’il me suffit de décrocher mon téléphone pour obtenir ce que je veux. Ce qu’ils ignorent, c’est que lorsque j’étais interne, je ne lâchais déjà rien. Pour le matériel et les travaux dans le service, comme pour le personnel, quand on est de bonne foi, on obtient toujours ce que l’on veut. La seule condition est qu’il faut que vos interlocuteurs aient bien compris qu’avec vous, ils vont perdre et qu’il vaut mieux dire oui d’emblée, plutôt que de gaspiller du temps à guerroyer sans fin.

Il faut aussi savoir surprendre. « Il faut tout oser », disait le peintre Paul Gauguin. Si vous êtes trop prévisible, vous ne deviendrez probablement jamais le manager idéal. J’ai réalisé, en réfléchissant à cet exposé, qu’il m’arrivait souvent d’être imprévisible aux yeux de mes collaborateurs. Recevant un cheminot, je prétends ainsi que c’est un collègue, ce qui déroute ceux qui ignorent que j’ai une consultation à la SNCF. Je parle couramment l’espagnol, car j’ai vécu dix-huit mois au pied du Popocatepelt. J’ai écrit quelques livres sur la peinture et, quand certains malades me demandent d’en dédicacer un, mes externes sont ébahis. Et comme je descends d’une famille d’artistes, j’ai un droit de parole au Musée d’Orsay où, de temps à autres, je mène des visites guidées. Certes, il ne faut être imprévisible ni en permanence ni dans tous les domaines, mais l’être, à l’occasion, dans la façon de penser ou le domaine intellectuel n’est probablement pas inutile, notamment pour gérer les situations difficiles.

Et quid des échecs ?

Évidemment, tout n’est pas rose. Je ne parlerai pas des échecs chirurgicaux, que tout praticien connaît dans sa carrière. Pour ce qui est du management de mon service, j’en retiendrai deux, retentissants.

Il m’est arrivé, un jour, de n’avoir pas su dire non à une proposition en pensant pourtant bien faire… ou en n’ayant pas vu le piège ! Nous avions, au bloc, une personne parfaitement compétente qui faisait office de surveillante panseuse, même si elle n’en avait pas le titre. Elle n’avait sans doute pour seul défaut que d’être une très belle jeune femme, ce que, visiblement, d’aucuns ne supportaient pas. Je n’ai pas su m’opposer à la nomination d’une “vraie” titulaire, ce qu’elle n’a pas supporté et a provoqué son départ.

Et puis, parmi les quatre engagements pris lors de ma nomination, je n’ai, à ce jour, toujours pas pu réformer l’accueil téléphonique et la prise de rendez-vous en consultation externe. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, mais, pour des raisons institutionnelles, on me dit à chaque fois qu’il ne m’appartient pas de gérer cette situation. Sur ce point, celle-ci est donc toujours aussi mauvaise que lors de mon arrivée au poste de chef de service.

Quel bilan ?

De 2012 à 2017, période de mon premier mandat, qui vient d’être reconduit, je suis parvenu à accroître de quatre le nombre de médecins titulaires et à maintenir la stabilité du personnel non médical, et cela dans une période de réduction considérable des dépenses de santé, ce qui me semble tout à fait honorable. Alors que, lors de ma nomination, je n’étais que chef du service d’Urologie, je suis également arrivé à créer le département d’Urologie Néphrologie Transplantation (DUNT), dont on m’a confié la pleine responsabilité. J’ai ainsi tenu l’un de mes quatre engagements initiaux en intégrant les néphrologues dans un département auparavant purement chirurgical.

J’ai créé, comme je m’y étais engagé, la consultation de sortie qui fonctionne désormais très bien et a fait l’objet d’articles dans la presse nationale. Nous avons organisé, quotidiennement, des réunions de concertation dans les différents secteurs, ainsi que l’enseignement aux étudiants. Le service a sorti 645 publications, nationales ou internationales, en cinq ans, ce qui est un record. Tous les types d’activités externes et d’hospitalisation ont augmenté d’environ 30 % dans les trois unités de soins, à l’exception de l’unité d’hospitalisation complète de néphrologie. Chaque année, les recettes ont été en augmentation en dépit de la baisse continue, de 1 à 1,5 % par an, des tarifs d’hospitalisation, ce qui est une aberration. Enfin, en partenariat avec l’hôpital Tenon, nous avons créé la fédération Uro P6, souhaitée par nos directions et préalable à une fusion effective de nos deux services.

Les projets sont nombreux, à venir ou en cours de réalisation !

En définitive, pour diriger un service hospitalo-universitaire, au-delà de la reconnaissance professionnelle indispensable à la fonction, ne faut-il pas avoir un certain charisme ? Je me permettrai d’élaborer une parabole du management, quelque peu osée, guidée par mon second métier, qui deviendra bientôt, lors de mon départ en retraite, le premier : l’histoire de l’art. J’ai toujours été frappé par cette phrase de Paul Valéry : « Tout homme crée sans le savoir, comme il respire. Mais l’artiste se sent créer. Son acte engage tout son être. Sa peine bien-aimée le fortifie. »

En réalité, nous possédons tous le talent artistique, à des degrés variables, mais, chez ceux d’entre nous qui deviennent des artistes, il s’agit d’un ressenti conscient. L’action du manager n’est-elle pas alors analogue à l’activité artistique, parfois inconsciente, mais perfectible par la réflexion ?

Débat

Vivre au sein du plus grand hôpital de France

Un intervenant : Votre présence constante dans le service semble être un facteur essentiel de sa réussite. Il est néanmoins fort peu répandu à ce niveau parmi vos pairs. Comment se fait-il qu’il n’existe aucun système de contrôle au sein du monde hospitalier ?

Marc-Olivier Bitker : Des tentatives de contrôle ont été faites par l’Administration. Il existe un tableau de service, établi mensuellement et que je dois signer, qui relève les présences des différents personnels. La plupart des médecins le remplissent, mais pas tous, car cela n’a aucune conséquence. C’est une lente évolution qui, un jour, débouchera inévitablement sur des sanctions, mais je pense que l’Administration redoute surtout le pouvoir médical. La raison pour laquelle certains de mes collègues sont peu présents est sans doute que, pendant très longtemps, la médecine a été considérée comme un moyen de très bien gagner sa vie, davantage qu’un investissement personnel au service d’autrui. Comme il existe quantité d’activités para-hospitalières, très rémunératrices mais chronophages, certains chefs de service, qui disposent légalement de deux journées par semaine pour leurs activités libérales à l’extérieur de l’hôpital (mais qui en font parfois beaucoup plus…) ne résistent pas à la tentation. Il existe aussi une certaine forme de lassitude chez certains praticiens vieillissants, lassés des contraintes gestionnaires, qui se replient alors de plus en plus sur leurs propres intérêts. Tout cela est regrettable.

Int. : Qu’est-ce qui caractérise un hôpital géré par l’AP-HP ?

M.-O. B. : En premier lieu, la Pitié-Salpêtrière est un hôpital universitaire. Théoriquement, alors que l’ensemble du personnel hospitalo-universitaire est payé, pour moitié, par l’Éducation nationale, et, pour moitié, par l’hôpital, nous devrions consacrer la moitié de notre temps à l’enseignement. En pratique, 90 % de notre temps est consacré à l’hôpital.

Ensuite, ce groupe est le plus grand hôpital de France, avec plus de cinq mille salariés, et il représente, à lui seul, 10 % de l’AP-HP et 1 % de l’hospitalisation française. Or, avec l’expérience et le recul de l’âge, je réalise que les directeurs des hôpitaux de l’Assistance publique n’ont souvent pas tout à fait le niveau de formation requis pour gérer de telles structures et de tels budgets. Pour avoir enseigné à l’École des hautes études en santé publique de Rennes, je pense qu’il faudrait en rehausser la sélection, tant à l’entrée qu’à la sortie.

Par ailleurs, dans nos relations avec l’Administration, l’une des difficultés auxquelles nous sommes quotidiennement confrontés est que le directeur, qui détient seul le pouvoir du fait de la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST), n’a pas la même formation que les médecins. En effet, s’il ne peut pas nous licencier, puisque nous sommes fonctionnaires, il peut cependant révoquer un chef de service, s’opposer à une nomination, etc., sur des critères dont il sera, in fine, seul juge. Cela crée une distorsion dommageable dans nos relations, sauf cas particulier comme celui que j’ai déjà évoqué. Est-il alors logique de devenir dirigeant d’un grand centre hospitalier sans avoir de connaissances médicales ?

Ainsi, quand les robots chirurgicaux sont apparus, il y a dix ans, l’AP-HP a fait réaliser des études médico-économiques par sa cellule d’évaluation et de diffusion de l’innovation technologique (CEDIT). Nous avons alors vu arriver dans le service des experts chargés d’évaluer les coûts et avantages liés à l’utilisation de notre robot. Or, le robot n’a aucun intérêt sur le plan strictement économique, car son principal avantage réside dans le fait que le malade souffre moins et qu’il peut sortir plus vite après son opération. Cette question n’a cependant jamais été évoquée par les gens du CEDIT, uniquement préoccupés de compter les centimes d’euros. En conséquence, leurs conclusions révélant que les robots n’avaient, à leurs yeux, aucun intérêt, l’AP-HP n’en a donc pas acheté. Aujourd’hui, pour rattraper ce retard, Martin Hirsch, son nouveau directeur, a été obligé d’en acheter treize d’un coup.

Int. : Vous avez peu parlé de l’enseignement.

M.-O. B. : Je n’ai pas parlé de l’enseignement des externes, qui font pleinement partie du service, car il se fait, quotidiennement, au lit du malade, en consultation ou en salle d’opération, et des réunions hebdomadaires leur sont consacrées. Cela ne me paraît donc pas directement relever du champ du management.

Sachants et patients

Int. : Comment voyez-vous la place des patients dans votre service ?

M.-O. B. : Les médecins sont, depuis toujours et encore aujourd’hui, formés avec l’idée qu’eux seuls sont les sachants, les patients n’ayant alors d’autre choix que d’accepter en silence, ce qui crée une relation d’une extrême brutalité. Or, la société a évolué, les malades n’acceptent plus ce rôle passif et sont désormais extrêmement sensibles à l’écoute que le médecin leur accorde, même si, parfois, il les impressionne. Il nous faut donc avoir cela constamment présent à l’esprit, notamment quand des décisions graves, parfois mutilantes, doivent être prises. Je pense que le patient a son mot à dire, quitte à ce que nous devions ensuite travailler avec lui pour lui faire partager notre point de vue. Les psychologues du service ont alors un rôle considérable à jouer non seulement auprès des patients, mais aussi auprès des médecins, pour leur faire prendre conscience de la violence de cette relation et faire évoluer leurs façons de faire. Le chef de service se doit de le faire comprendre à ceux de ses collaborateurs qui sont trop souvent en butte à des difficultés relationnelles. C’est là un aspect important de son management, d’autant qu’en fin de compte, c’est lui qui reçoit, via l’Administration, toutes les plaintes des patients.

Int. : En ma qualité d’ancien patient de votre service, je peux témoigner de votre extraordinaire disponibilité et du fait qu’elle se diffuse, par capillarité, à tous les membres de votre équipe. Votre personnalité, atypique dans ce monde de l’hôpital et qui transmet une forme rare d’humanité, est donc, pour moi, un facteur déterminant de votre management.

Int. : Cette disponibilité n’est-elle pas très chronophage ?

M.-O. B. : Elle l’a été jusqu’à mes 50 ans. Ensuite, quand vous devenez le chef, vous pouvez vous organiser à votre guise. Cependant, je ne me rendais pas vraiment compte, jusqu’à ce que l’École de Paris me sollicite, que je faisais un vrai travail de management et que cela m’engageait à ce point. Alors, s’il m’arrive, de temps à autre, de prendre une petite liberté et de partir, un soir, plus tôt que d’habitude, je reçois de discrets rappels à l’ordre de ma plus proche collaboratrice ! Ce contrôle, très amical, est une très bonne chose.

Int. : N’êtes-vous pas quelque peu écrasant pour vos collaborateurs ? Ne serait-il pas préférable que vous leur laissiez régler entre eux leurs différends ?

M.-O. B. : Je serais prêt à les entendre me le reprocher si c’était le cas, mais je ne pense pas qu’ils en aient le sentiment. J’ai la chance, pour prendre un exemple, d’avoir dans cette équipe un chirurgien robotique de niveau international, que j’ai choisi lorsqu’il était interne, formé quand il était chef de clinique et qui me dépasse largement aujourd’hui. Il mène, dans le service, une vie caractérisée par une totale liberté et, jamais, depuis qu’il est titulaire, je ne lui ai demandé la raison d’une absence. J’ai moi-même été élevé dans cet esprit par mon maître René Kuss, pionnier de la transplantation rénale, dans le service duquel j’ai été interne, puis chef de clinique. On y faisait ce que l’on voulait, aux seules conditions, toutefois, qu’il y ait des résultats, tant quantitatifs que qualitatifs, et que cela n’affecte pas le bien-être des patients.

En revanche, je ne souscris pas à votre suggestion de les laisser régler leurs difficultés entre eux. Le monde des chirurgiens est très particulier, tous ont un ego surdimensionné et chacun tente de s’imposer. S’il n’y a pas quelqu’un ayant l’autorité et la légitimité suffisantes pour s’interposer et apaiser les relations, le risque serait de voir la situation très vite dégénérer. L’avantage de l’âge et les particularités de mon affect me permettent de tenir, sans doute efficacement, ce rôle de médiateur.

Le compte rendu de cette séance a été rédigé par :

Pascal LEFEBVRE