Chez L’Oréal, pour faire émerger le nouveau rôle stratégique des données, leur gouvernance, leurs usages, leur mise à disposition et les compétences qu’elles requièrent ont été repensés. Ainsi, quelque 850 personnes travaillent à temps plein sur les données, sans compter toutes celles pour qui il s’agit d’une tâche parmi d’autres. En choisissant une gestion fédérale, en rupture avec la situation préalable, L’Oréal s’est lancée dans une transformation organisationnelle profonde, avec pour fil conducteur l’éthique et la souveraineté.


Exposé d’Isabel Gomez Garcia de Soria

Je suis espagnole, ingénieure en télécom. Il y a quatre ans, je suis entrée chez L’Oréal, où j’occupe aujourd’hui la fonction de Chief Data & Analytics Officer (CDAO). J’ai auparavant travaillé chez Accenture, puis chez Air France-KLM.

Je suis arrivée chez L’Oréal avec une grande curiosité et l’envie de relever des défis liés à la transformation digitale du Groupe. L’Oréal est une entreprise internationale, ce qui est un facteur essentiel pour cette transformation qui touche tous les domaines d’activité. Faute d’une structure adéquate, L’Oréal peinait à faire circuler les données dans toute l’organisation. Notre point de départ a donc consisté à faire ressortir l’importance de notre patrimoine de données ainsi qu’à trouver comment valoriser ces dernières et les utiliser au service de nos consommateurs et de nos employés.

Oligarchie ou démocratie ?

Une donnée est une information, elle a un sens et elle est acquise par différents moyens. Elle nécessite d’être nettoyée avant d’être utilisée et combinée avec d’autres données.

La donnée doit permettre à chacun d’exercer son métier en ayant une connaissance approfondie du contexte dans lequel il agit. La culture de L’Oréal étant très entrepreneuriale et tournée vers l’action, l’intuition y joue un rôle important et assumé. Je parle donc d’augmented intuition, puisque la mise à disposition de données exploitables de qualité va permettre aux différents acteurs de mieux décider et de mieux agir.

Plusieurs raisons ont poussé L’Oréal à s’engager dans cette profonde transformation. Selon notre président, Jean-Paul Agon, l’une d’entre elles est qu’il est désormais indispensable d’agir ou de réagir en temps réel, sur la foi de ce qu’il se passe sur le terrain. Au début de l’ère du big data, on accumulait les données sur le passé récent afin de se projeter dans un futur probable. Aujourd’hui, la donnée est utilisée afin de mieux comprendre le contexte de notre action et d’accroître notre réactivité. C’est d’autant plus important dans un environnement de plus en plus incertain, en particulier depuis la crise de la Covid-19.

La donnée était jadis largement disséminée et très peu structurée, ce qui en rendait l’accès difficile et nous empêchait d’en exploiter toute la valeur. Nous partions d’un système que je qualifierais d’oligarchique, dans lequel la data était aux mains de quelques spécialistes et privilégiés proches de sa provenance, ainsi que de quelques décideurs de haut niveau. Il nous fallait démocratiser l’accès à la donnée, une notion devenue centrale pour nous et qui représente une petite révolution. Désormais, dans notre évaluation de la performance, on mesure le time to data, c’est-à-dire le temps qu’il faut à une équipe qui développe une nouvelle application digitale pour rassembler les données nécessaires pour rendre l’application fonctionnelle et performante. Une fois ces données identifiées, il restait à les comprendre, car il n’existait ni standard de construction ni dictionnaire de données. Nous devions donc trouver le moyen de passer d’une situation faiblement organisée à une situation dans laquelle la donnée deviendrait un bien commun.

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