Comment faire d’un château à l’abandon un site accueillant plus de 200 000 visiteurs par an ? Kléber Rossillon a fait de ce type de transfiguration sa spécialité. L’entreprise opère aujourd’hui douze lieux aussi variés que le château de Castelnaud, les grottes préhistoriques Cosquer et Chauvet ou le train de l’Ardèche, et conçoit ses parcours de visite avec une attention constante à l’émotion, aux flux et aux temps de la visite. Ses développements sont nourris par une créativité constante dans la mise en valeur du potentiel de sites.


Exposé de Kléber Rossillon

C’est à la faveur d’une expérience personnelle, la restauration d’une vieille demeure familiale, que je me suis passionné pour la mise en valeur touristique du patrimoine, au point d’en faire mon métier – bien loin de mes fonctions officielles d’ingénieur aéronautique ! J’y ai découvert que l’innovation n’était pas l’apanage de la technologie de pointe – je participais alors au programme Ariane –, mais qu’elle pouvait aussi naître d’un regard original porté sur des pierres, des jardins et des œuvres du passé, et sur l’histoire qu’ils transmettent.

D’un goût pour le patrimoine à une expertise

Tout a commencé en Dordogne, au château de Castelnaud, ruine que mes parents avaient acquise en 1966 et qu’ils m’ont léguée quand j’avais une vingtaine d’années, en me donnant les moyens d’en poursuivre la rénovation. Ils avaient décelé mon goût pour le patrimoine et pour les travaux de restauration. Je me suis donc trouvé en charge de ce monument, tout en continuant à travailler pour le programme Ariane 3. Après le premier lancement de la fusée, en 1984, j’ai pu consacrer davantage de temps au château, avec l’intention d’y recevoir du public et d’en éclairer le contexte historique. Avec l’aide de spécialistes, j’y ai créé un musée de la guerre au Moyen Âge, qui explique le caractère défensif de l’édifice. Le lieu a ouvert en 1985 en étant géré par une association. Il a connu une bonne fréquentation dès ses débuts, employant plus d’une vingtaine de salariés l’été. Dix ans plus tard, j’ai acheté une propriété, Marqueyssac, qui faisait face au château et qui me semblait pouvoir intéresser des visiteurs. J’ai alors créé une société pour gérer les deux lieux et en ai fait mon activité principale.

L’expérience acquise à Castelnaud et à Marqueyssac m’a convaincu que le savoir-faire que mes équipes et moi-même développions en propre pouvait être partagé et profiter à des collectivités locales et à des propriétaires. C’est ainsi que nous avons pris la charge d’un autre site en Dordogne, le château de Commarque, après quoi nous avons remporté un appel d’offres de l’Institut de France pour valoriser le château de Langeais.

Les projets suivants furent d’une nature quelque peu différente : il y eut le train de l’Ardèche en 2011, avec ses 35 véhicules classés monuments historiques et sa locomotive à vapeur datant de 1903, le musée de Montmartre la même année, concession de la Ville de Paris, ou encore l’exploitation de la grotte Chauvet – ou plutôt, de sa reproduction ouverte au public – en 2012. S’y sont ajoutés le mémorial de la bataille de Waterloo, le château de Murol, le vélorail des gorges du Doux, le domaine de Suscinio, la tour de Crest, et enfin, en 2022, la restitution de la grotte Cosquer, à Marseille – soit 12 sites au total. D’autres sont en projet.

J’ai cédé la direction de la société à ma fille Geneviève il y a cinq ans, et je ne me charge plus que du développement et de la gestion culturelle, à ses côtés.

Un marché pas comme les autres

Vous ne pouvez pas lire la suite de cet article