Exposé des orateurs

À côté des mutuelles, des industriels dynamiques

Gérard Lefèvre : Le territoire niortais est bien connu pour ses activités tertiaires, notamment dans le secteur des mutuelles. Or, c’est aussi un territoire d’industries anciennes et performantes, que ce soit dans l’agroalimentaire, la métallurgie ou même l’aéronautique, avec les usines de Safran Aerospace et Leach International. À côté de ces grands groupes, on trouve des ETI très dynamiques, comme Poujoulat, leader des évacuations de fumée, aussi bien pour l’industrie que pour les maisons individuelles. Nous comptons aussi de nombreuses PME et TPE, qu’il s’agisse de sous-traitants qui savent s’adapter aux évolutions de leurs donneurs d’ordres, ou d’entreprises positionnées sur des créneaux où leur agilité leur permet de gagner de nouveaux marchés. Consciente de sa compétence économique, l’agglomération niortaise a souhaité valoriser ces richesses industrielles et encourager les entreprises à se mettre en réseau afin d’être plus fortes sur le territoire national et européen, ainsi qu’à l’international.

Daniel Jollit : Dans le Haut Val de Sèvre, l’industrie se répartit entre l’agroalimentaire à l’Est (avec notamment Bellot Minoteries, mais aussi le groupe Soignon, ou encore l’abattoir Cooperl) et la logistique à l’Ouest. À ceci s’ajoutent des entreprises spécialisées dans la production de rails destinés à la pose de placoplâtre, d’autres dans la fabrication de portes et fenêtres, ou encore la société Vim, experte en ventilation, désenfumage et traitement de l’air.

Louis-Marie Bellot : Je dirige la société Bellot Minoterie, qui est implantée sur le même site depuis 1789 et se transmet de père en fils depuis plusieurs générations. Notre territoire compte diverses entreprises de production de farine, d’œufs, de beurre, ou encore de lait, dont certaines rayonnent à l’international.

Nicolas Pouvreau : La société que je dirige, Canamétal, fête cette année ses soixante ans d’existence dans la construction métallique. Ses ateliers, d’une surface de 20 000 mètres carrés, sont installés à Niort. À l’origine, elle réalisait uniquement des opérations locales, mais, désormais, nous participons à de grands chantiers à l’échelle nationale. La plupart des stades français, comme ceux de Bordeaux ou de Nice, par exemple, sont sortis de notre usine. Nous réalisons aussi des complexes sportifs ou encore des salles de spectacle. Le fait de participer au dispositif Territoires d’industrie m’a donné l’occasion de rencontrer de nombreux entrepreneurs locaux. J’ai été impressionné par la diversité des activités représentées sur le territoire et par le dynamisme de certaines de ces sociétés, souvent leadeuses sur leur marché et fortement créatrices d’emplois. N’étant pas originaire de cette région, où je suis venu prendre la tête de Canamétal, je dois dire que j’ai été très agréablement surpris de ce que j’y ai trouvé !

Du foncier disponible

Gérard Lefèvre : Pour les industriels, l’attractivité d’un territoire dépend de plusieurs paramètres. Le premier est la disponibilité du foncier pour construire des usines et des ateliers. L’agglomération de Niort comprend des zones d’activité permettant d’accueillir des installations de grandes dimensions. Nous disposons notamment d’un site pilote, Les Pierrailleuses, juste à côté d’un embranchement autoroutier, qui présente l’intérêt d’être purgé de toutes les procédures administratives, urbanistiques ou environnementales, afin de permettre aux industriels de s’y implanter très rapidement.

En parallèle, nous sommes en train de finaliser un diagnostic de toutes les friches industrielles, artisanales ou commerciales existant sur notre territoire. L’objectif est de les requalifier pour pouvoir les réutiliser, au lieu de consommer de nouvelles terres agricoles.

À l’occasion de la crise sanitaire, nous nous sommes tous rendu compte, parfois dans la douleur, que notre tissu industriel n’était plus en mesure de satisfaire des commandes de produits aussi simples que des masques. Ceci a conduit certains industriels à envisager de relocaliser une partie de leurs activités en France. Nous sommes convaincus qu’anticiper ce type de décision est vital pour continuer à accueillir des activités industrielles sur notre territoire. C’est pourquoi nous avons lancé une étude à ce sujet avec le Haut Val de Sèvre.

Le recrutement

Un deuxième paramètre contribue fortement à l’attractivité du territoire, la possibilité de recruter des salariés. Nos entreprises nous alertent depuis un certain temps sur leurs difficultés à réaliser certaines commandes dans des délais raisonnables pour leurs clients, faute de salariés qualifiés. Nous nous sommes attelés à ce problème en organisant des job dating pour faire savoir que le Niortais et le Haut Val de Sèvre sont des terres d’accueil de l’industrie et attirer des candidats.

Daniel Jollit : Cela fait deux ans que nous organisons ce type d’opérations. La dernière a eu lieu principalement à distance la semaine passée, avec seulement une journée en présentiel. En 2019, nous avions monté un job dating spécifique pour une entreprise lyonnaise qui venait s’implanter sur notre territoire et avait besoin de recruter 80 personnes. Nous l’avons aidée à organiser deux demi-journées de recrutement, qui ont été couronnées de succès. Bien que nous n’ayons joué qu’un rôle de facilitateur, c’était un défi pour nos services et nous l’avons relevé. Pour ces opérations, comme pour le projet alimentaire territorial, par exemple, nous travaillons en lien avec l’agglomération de Niort. Le monde des entreprises ne connaît pas les limites des collectivités et il est très important d’être capables de travailler avec des partenaires institutionnels ou industriels au-delà de nos territoires.

Louis-Marie Bellot : Notre entreprise, Bellot Minoteries, a vu son effectif passer de 70 à 90 salariés en l’espace de cinq ans. Nous avons dû trouver non seulement 20 salariés supplémentaires, mais aussi remplacer les départs à la retraite et les départs naturels.

Pour ce qui est du métier de meunier proprement dit, nous faisons appel à l’École de Meunerie. Il en existe deux en France, dont une dans un département voisin. Néanmoins, cela ne représente qu’une toute petite partie de nos salariés : l’entreprise emploie 4 meuniers en tout. Les autres salariés sont des commerciaux, des conducteurs de poids lourds, des caristes, des agents de maintenance, des techniciens de laboratoire, etc. Notre service des ressources humaines attend avec impatience l’opération annuelle de job dating. Nous y avons participé à plusieurs reprises et cela nous a permis de trouver des collaborateurs qui font toujours partie de nos équipes.

Cette opération est vraiment un moment de bonheur, aussi bien pour les personnes qui cherchent un emploi que pour nos services de recrutement. Le fait de rassembler plusieurs employeurs attire de nombreux candidats qui ne savent pas trop ce qu’ils vont trouver. Ils découvrent ainsi de nombreuses entreprises dont ils n’avaient jamais entendu parler, alors qu’elles sont implantées sur leur territoire. Même une entreprise aussi ancienne que la nôtre reste inconnue de personnes résidant à quelques kilomètres de distance…

Nicolas Pouvreau : Le recrutement est vraiment une problématique commune à tous les industriels du territoire, au point que nous sommes concurrents en la matière – dans un bon état d’esprit, bien sûr ! Pour tenter de trouver des candidats, nous faisons l’effort, chez Canamétal, de prendre chaque année des stagiaires ou des apprentis, y compris pendant des périodes difficiles comme celle que nous traversons. De plus, nous ouvrons régulièrement nos portes à différentes associations souhaitant faire découvrir nos métiers à leurs adhérents. Enfin, en 2015, nous avons fondé l’école Canamétal, en collaboration, pour la première année, avec Pôle emploi et avec l’Institut de soudure de Niort. Pôle emploi avait lancé un appel à candidatures et 80 personnes se sont présentées à des tests, à l’issue desquels une douzaine d’entre elles ont été sélectionnées. Pendant six mois, nous leur avons dispensé une formation qui se terminait par un diplôme et un contrat de professionnalisation. À l’issue de ce contrat, encadré par un tuteur, les personnes ayant donné satisfaction se voyaient proposer un emploi à durée indéterminé.

Nous avons reconduit cette formation les années suivantes, avec un processus légèrement modifié, mais dans le même esprit. En général, à la fin des cycles de formation, nous conservons la moitié des inscrits, pas seulement de notre fait, mais parce que certains décrochent. À moyen terme, on peut considérer que nous gardons 30 % des personnes formées. Si cet investissement est très lourd en temps et en énergie, il en vaut néanmoins la peine, car nous récoltons quelques beaux fruits. Je pense notamment à un salarié issu de la première formation, qui est en train de devenir notre chef d’atelier.

Malheureusement, il devient de plus en plus difficile de trouver des candidats. Pour la session qui doit avoir lieu à la fin de l’année 2021, par exemple, les inscriptions ne sont toujours pas complètes.

La box daccueil du salarié

Gérard Lefèvre : Pour que de nouvelles personnes envisagent de venir travailler sur notre territoire, il faut aussi les rassurer sur le fait qu’elles trouveront facilement un logement à acheter ou à louer, un emploi pour leur conjoint, des écoles ou des lycées pour leurs enfants, ou encore une offre culturelle, sportive et de loisirs. Pour cela, nous avons mis en place un outil appelé “box d’accueil du salarié”. Je vais laisser à Emmanuelle Béri, qui en est la cheville ouvrière, le soin de vous le présenter.

Emmanuelle Béri : La box d’accueil a, initialement, été mise en place auprès des membres du club Niort Industrie. Nous avons commencé par fournir aux responsables des ressources humaines de ces entreprises une petite plaquette de présentation du Niortais, avec une invitation à une mini-découverte du territoire, ainsi qu’un questionnaire permettant au candidat d’indiquer dans quels domaines il souhaite être accompagné. Cette plaquette lui est adressée au moment où l’entreprise fixe le rendez-vous pour le premier entretien. Une fois que le recrutement est effectif, nous déroulons toutes les prestations proposées, et elles sont en général très appréciées.

L’accompagnement concerne, tout d’abord, la recherche d’un logement, pour laquelle nous faisons appel aux différents prestataires immobiliers qui gèrent le dispositif Action logement (ou 1 % logement). Pour aider les conjoints à trouver un emploi, nous avons créé une “CVthèque” sur le site niortagglo.fr, qui permet aux recruteurs locaux de chercher des profils. Ce site recense également 700 offres d’emplois sur le territoire, ou 1 000 si l’on élargit la recherche au territoire du Haut Val de Sèvre. Parfois, j’appelle directement les entreprises, par exemple Nicolas Pouvreau, lorsque je vois un profil qui pourrait l’intéresser. Le centre de gestion est également preneur des CV, car le secteur public emploie aussi des contractuels.

Par ailleurs, nous accompagnons les salariés dans la recherche d’un établissement scolaire ou d’une formation universitaire pour leurs enfants. En outre, comme l’agglomération souhaite favoriser l’utilisation des transports en commun, elle les a rendus entièrement gratuits sur tout le territoire, et nous proposons aux salariés de les aider à trouver les meilleurs itinéraires pour eux et leurs enfants. Enfin, nous pouvons également répondre à des besoins particuliers. Par exemple, si un membre de la famille souffre d’une maladie chronique, nous vérifions qu’il trouvera sur place le panel de praticiens et le suivi hospitalier dont il a besoin.

Au départ, cet outil a été mis en place à la demande des industriels, puis les mutuelles ont demandé à en bénéficier également, ce qui représente un atout supplémentaire pour le dispositif : lorsqu’une personne rejoint une entreprise industrielle et que son conjoint n’a pas un profil industriel, nous pouvons lui chercher un emploi dans une mutuelle. En deux ans, nous avons accompagné 70 nouveaux salariés, dont deux tiers dans l’industrie et un tiers dans le tertiaire.

Nous sommes très flexibles sur l’origine de la demande d’accompagnement. Parfois, c’est un prestataire immobilier qui m’appelle pour me signaler que telle entreprise a recruté quelqu’un qui va bénéficier du 1 % logement et que cette personne aurait besoin d’être aidée sur les autres volets. Parfois, c’est le salarié qui prend directement contact avec nous. Lorsque votre enfant a un problème de santé, par exemple, vous n’avez pas forcément envie que votre futur employeur le sache.

Avant de lancer la box d’accueil, nous avions rencontré tous les partenaires envisageables et tous avaient trouvé un intérêt à participer à cette initiative. Au fil des accompagnements, les liens se tissent et cela permet d’accélérer les choses. C’est la raison pour laquelle, contrairement à d’autres collectivités, nous avons décidé de ne pas externaliser cette mission. Nous pouvons ainsi proposer un accompagnement vraiment proche et personnalisé. Les nouveaux arrivants apprécient beaucoup d’avoir un contact direct et chaleureux, car effectuer une mobilité professionnelle représente un grand saut, d’autant plus quand celle-ci est subie, ce qui arrive souvent.

Stéphanie Bodin : Nous nous sommes inspirés de l’expérience de l’agglomération de Niort pour mettre en place une box d’accueil dans le Haut Val de Sèvre. Le succès de ce dispositif repose sur le travail mené avec tous nos partenaires, que ce soient les agences immobilières, les agences de relocation, le réseau d’entreprises de Territoires d’industrie, ou encore le coordinateur santé de notre territoire. Lorsqu’une entreprise a détecté un bon candidat, à nous de le convaincre qu’il va pouvoir s’installer facilement avec sa famille et vivre agréablement sur notre territoire. Les entreprises jouent le jeu et lorsque nous leur faisons suivre les CV des conjoints, elles sont très attentives à essayer de trouver une solution.

Louis-Marie Bellot : Je confirme que c’est un concept auquel l’ensemble de notre petit groupe d’industriels a tout de suite adhéré. En tant que recruteurs, nous avions déjà l’habitude de proposer aux candidats de les aider à s’installer. Nous leur demandions s’ils venaient de loin, si leur conjoint allait les accompagner, s’ils avaient une famille, etc. Notre service de ressources humaines leur donnait des pistes pour trouver une école, un médecin, un logement, et partageait avec les autres entreprises les éventuelles offres d’emplois afin de pouvoir proposer des solutions aux conjoints. Néanmoins, tout cela prend du temps et lorsque la communauté de communes nous a proposé de travailler sur une box d’accueil qui pourrait être mobilisée dès la parution de l’annonce, nous avons été enthousiastes. Nous sommes en train de tester la version pilote sur certains recrutements et nous attendons avec impatience de pouvoir la diffuser plus largement.

Loffre de formation

Gérard Lefèvre : Un dernier paramètre très important pour l’attractivité du territoire est l’offre de formations, en particulier de formations supérieures. Celle-ci est en train de s’étoffer sur notre territoire, soit dans les universités qui y sont implantées, soit grâce à des partenariats avec des universités extérieures, ou encore avec des écoles d’ingénieurs souhaitant mettre en place des formations en alternance dans les entreprises de notre territoire, ou même s’implanter à Niort pour développer des formations industrielles. C’est le cas, par exemple, de l’ESTIA (École supérieure des technologies industrielles avancées) de Bayonne.

La labellisation Territoire d’industrie

Daniel Jollit : Avant que nous obtenions le label Territoire d’industrie, il existait déjà deux clubs d’entreprises sur le territoire, Atlansèvre Entreprises et le Club des entreprises du Haut Val de Sèvre. En tant qu’élus, nous avions tissé de bonnes relations avec eux et le passage au dispositif Territoires d’industrie s’est fait très naturellement. Une collectivité est comme une entreprise : elle doit se montrer dynamique et investir, sans quoi elle risque de se faire englober par une collectivité plus importante. Nous n’en sommes pas là et nous entretenons un partenariat très fructueux avec l’agglomération de Niort.

Gérard Lefèvre : Effectivement, les élus ont un rôle important à jouer auprès des entreprises, pour les écouter, les fédérer, contribuer à animer leurs réseaux, les aider à mieux travailler ensemble, leur apporter des idées nouvelles, comme la box d’accueil, afin de répondre aux problèmes qu’elles rencontrent. La participation au dispositif Territoires d’industrie nous aide à faire davantage connaître nos entreprises. Elle peut également nous permettre de découvrir de bonnes pratiques dans d’autres territoires et de les mettre en application chez nous.

Emmanuelle Béri : L’un des avantages de la labellisation a été de mettre en valeur les compétences des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), qui ont parfois un peu de mal à être reconnues. La labellisation nous a également permis de mutualiser les actions entreprises par différents acteurs du territoire, dont les domaines de compétences peuvent parfois se recouper. En voici un exemple tout simple : nous nous mettons désormais d’accord pour éviter que deux entités organisent le même jour deux actions de recrutement. La labellisation nous a tous mis autour de la même table, à égalité, si je peux dire, pour partager et valider ce que nous faisons chacun de notre côté. Aujourd’hui, tout le monde a bien compris qu’il est dans l’intérêt du territoire de travailler tous ensemble et dans le même sens.

Stéphanie Bodin : Avant même la labellisation, nous avions instauré des contacts privilégiés entre établissements scolaires et entreprises de notre territoire. Le label nous a permis d’aller plus loin et d’organiser tout un panel d’actions telles que des expositions destinées au grand public, des formations, des rencontres avec des industriels, des ateliers destinés aux étudiants, mais aussi aux enseignants, et ce toujours avec le même objectif : valoriser les différents secteurs d’activité et faire mieux connaître les métiers qu’ils proposent. Trop souvent, en effet, les scolaires, les étudiants et même leurs parents ne sont pas conscients du potentiel d’emplois que recèle le territoire. Inversement, le label Territoires d’industrie a permis de sensibiliser les entreprises à l’intérêt d’ouvrir leurs portes plus largement et d’accueillir des groupes pour leur faire découvrir différents métiers et transformer leurs représentations de l’industrie.

Louis-Marie Bellot : Dans le Haut Val de Sèvre, nous nous connaissions tous plus ou moins, mais grâce au dispositif Territoires d’industrie, les dirigeants des entreprises industrielles des deux territoires, Niortais et Haut Val de Sèvre ont pris l’habitude de se rencontrer lors de petits-déjeuners. Ces derniers nous ont permis de mettre un visage sur chaque nom, d’échanger sur les problèmes pratiques que nous rencontrons et de faire émerger des synergies en matière de commerce ou de projets d’avenir. Nous avons d’abord parlé de recrutement et lancé le projet de box d’accueil, puis partagé nos informations sur les différents dispositifs publics auxquels certains recouraient et que d’autres ne connaissaient pas. Enfin, la labellisation nous a permis de regrouper plusieurs initiatives un peu éparpillées et de définir ensemble une feuille de route très claire.

Nicolas Pouvreau : Je voudrais saluer le travail de Jérôme Baloge, président de la communauté d’agglomération de Niort, des autres élus et de leurs équipes, qui ont su non seulement fédérer les entreprises autour du projet de labellisation, mais aussi pérenniser la démarche en la structurant, et notamment en lui donnant un pilote en la personne d’Emmanuelle Béri. Aujourd’hui, dès que j’ai un problème, je l’appelle et je sais qu’elle va m’orienter vers la bonne personne. C’est une parfaite “tour de contrôle” !

Le projet Leach International, une réussite concrète

Les échanges que nous avons eus autour du projet de labellisation ont contribué à la réussite d’un projet très concret : la reconstruction d’un bâtiment de Leach International, détruit par un incendie, pour laquelle un appel d’offres avait été lancé en urgence. Grâce aux relations nouées entre nous et au soutien des élus, nous avons réussi à constituer un groupement d’entreprises en un temps record – avec Canamétal comme constructeur métallique, un électricien, un plombier, un spécialiste du génie civil, etc. – et à emporter le marché.

Au passage, nous nous sommes rapprochés du groupe Lafourcade, dont les sociétés exercent différentes activités et avec lesquelles nous avons commencé à travailler alors que, auparavant, nous allions chercher certains de nos sous-traitants en dehors du territoire. Enfin, comme le groupe Lafourcade a beaucoup investi dans le numérique et dans la robotique depuis déjà quatre ou cinq ans, il nous a aidés à sauter le pas et à nous lancer dans ce défi numérique, ce que nous n’avions pas osé faire jusqu’alors.

Les effets contrastés de la Covid-19

Louis-Marie Bellot : La filière agroalimentaire a plutôt bien supporté la crise sanitaire de la Covid-19, car il a fallu continuer à nourrir les Français. Les entreprises de cette filière qui ont le plus souffert sont celles qui fournissent la restauration privée ou collective.

En ce qui concerne la minoterie, nous avons connu une augmentation de 300 % des ventes pendant le premier confinement : la farine était devenue “l’or blanc” et, à certains moments, on n’en trouvait plus un seul paquet dans les rayons… Pourtant, nous avions des stocks qui ne demandaient qu’à être vendus. Avec la fermeture des frontières, nous avons collectivement pris conscience que 60 à 70 % de la farine consommée en France venait de l’étranger, notamment d’Allemagne. C’est quand même dommage pour notre pays qui met toujours en avant son pain de tradition… Cette situation a conduit la grande distribution à réorienter ses achats vers une production locale. Nous avons ainsi tissé des liens qui devraient se maintenir après la pandémie.

Nicolas Pouvreau : Pour Canamétal et tout le secteur du bâtiment, la crise a été violente, car la plupart des chantiers se sont interrompus. Beaucoup d’entreprises qui avaient des équipes de production et des équipes de pose ont transféré le personnel de pose dans les ateliers et ont commencé à accumuler des stocks. Dans le même temps, des concurrents des pays voisins, confrontés à la même situation, sont venus chercher de nouveaux marchés en France. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec des usines qui produisaient davantage et une plus forte concurrence sur les marchés. La salle de spectacle Arena de Poitiers va, par exemple, être construite par des Portugais… Non seulement les recettes partent à l’étranger et les entreprises locales se retrouvent sans travail, mais l’État compense le chômage partiel. Notre pays est ainsi doublement pénalisé, à travers une baisse des recettes fiscales et une augmentation des dépenses sociales.

Heureusement, cette situation catastrophique a provoqué une prise de conscience sur l’importance d’intégrer dans la prise de décision les notions de proximité, de territoire, de circuits courts. Depuis quelques mois, nous constatons que les donneurs d’ordres commencent à intégrer, dans les appels d’offres, des critères favorisant le mieux-disant plutôt que le moins-disant. Les entreprises qui répondent aux appels d’offres déclarent à l’avance quels seront leurs sous-traitants, ce qui les incite à faire appel à des entreprises locales. Nous envisageons donc l’avenir avec un certain optimisme.

Mieux se connaître entre acheteurs et fournisseurs

Gérard Lefèvre : J’ai été élu récemment, mais, comme je viens du monde de l’entreprise, je connais parfaitement le fonctionnement des marchés publics. Je confirme que la crise a provoqué une prise de conscience et que désormais, la plupart des appels d’offres sont rédigés de telle façon que le prix ne soit plus l’élément le plus important. Sont également pris en compte la qualité de l’entreprise et sa réactivité, qui nécessite une certaine proximité avec le bâtiment qui va être construit ou les services qui vont être rendus.

On pourrait encore améliorer les choses en faisant en sorte que les acheteurs publics, c’est-à-dire les élus, mais aussi leurs collaborateurs chargés de rédiger les cahiers des charges et d’analyser les offres, aient une meilleure connaissance des entreprises de leur territoire susceptibles de répondre à leurs attentes. De leur côté, il faut que les entreprises aient également une bonne compréhension des exigences des acheteurs.

Il ne s’agit pas, pour autant, de défier la loi en favorisant des complicités entre acheteurs publics et entreprises. La chambre de commerce et d’industrie de Niort a organisé, il y a quelques années, une très intéressante opération de type “salon inversé” : les acheteurs publics ou privés tenaient des stands et les entreprises venaient se renseigner sur les produits et services que ces derniers recherchaient, avant même que les appels d’offres soient rédigés. Ce genre d’opération est un peu lourd à organiser, mais nous aurions tout intérêt à le renouveler de temps en temps, afin que les forces en présence se connaissent et se comprennent mieux.

Daniel Jollit : Je crois avoir été un peu précurseur dans ce domaine. Quand je suis arrivé à la tête de la communauté de communes Haut Val de Sèvre, en 2014, 50 % des critères des marchés publics concernaient le prix et 50 %, la technique. Nous nous sommes rendu compte que, dans ces conditions, c’était toujours le critère du prix qui l’emportait. Or, quand on se focalise sur le prix, on se retrouve souvent avec des avenants qui ramènent le prix au niveau de celui du concurrent plus qualitatif, ou avec des problèmes de malfaçons qu’il faut reprendre, ce qui aboutit à un coût encore plus élevé. Nous avons donc décidé de fonder les décisions à 60 % sur la qualité technique et/ou sur des critères sociaux et environnementaux, et à 40 % sur le prix. Au début, j’ai eu du mal à faire passer cette idée, mais, aujourd’hui, elle est entrée dans les mœurs et donne de bons résultats. Par exemple, si vous prévoyez une obligation de service après-vente, il est évident que celle-ci sera plus facile à satisfaire par une entreprise située à une distance de 50 kilomètres que par un concurrent venant de l’étranger.

Débat

La box daccueil

Un intervenant : Existe-t-il beaucoup de dispositifs de type “box d’accueil du salarié” en France ?

Emmanuelle Béri : Au début du projet, j’avais effectué quelques recherches et j’en avais trouvé plusieurs, mais aucune ne recouvrait autant de domaines que la nôtre.

Int. : Les entreprises financent-elles une partie du dispositif ?

E. B. : La gestion de la box d’accueil fait partie intégrante de ma mission et le budget est entièrement pris en charge par l’agglomération.

Int. : La crise sanitaire a-t-elle ralenti la demande ?

E. B. : J’ai plutôt noté une accélération à partir de la fin du premier confinement. Beaucoup de gens réfléchissaient depuis un certain temps à quitter les grandes villes et le confinement les a aidés à prendre leur décision…

Le prêt de personnel

Int. : Avec la crise, on a vu émerger des initiatives de prêts de personnel entre les entreprises, lorsque l’une avait moins d’activité et l’autre, davantage. Ce dispositif existe-t-il sur votre territoire ?

E. B. : Le sujet a été abordé par le groupe Niort Industrie. Il s’avère que l’UIMM dispose d’une plateforme de prêt de personnel. Les industriels qui avaient soulevé le problème étaient adhérents de l’UIMM et ont donc pu bénéficier de cette plateforme. Pour l’instant, nous n’avons pas mis en place ce genre d’outil dans le cadre de Territoires d’industrie.

La coopération avec les services de l’État

Int. : Comment se fait l’articulation avec les autres politiques territoriales, notamment les pôles de compétitivité, la démarche Cœur de ville, ou encore les sites industriels clés en main ? Parvenez-vous à tirer parti de l’ensemble de ces dispositifs ?

Daniel Jollit : Les collectivités ne disposent pas d’un nombre extensible d’agents et il est parfois compliqué de faire face à toutes ces initiatives, auxquelles se sont ajoutés, depuis l’an dernier, les plans d’urgence et de relance.

À partir de 2015, nous avons commencé à travailler avec les services de l’État sur notre PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) et nous étions sur le point d’aboutir lorsque, en 2019, est parue une circulaire indiquant qu’il fallait cesser d’artificialiser les sols… Tout notre travail était pratiquement à mettre à la poubelle. Nous ne sommes pas des danseuses et nous ne savons pas sauter d’un pied sur l’autre ! Nous aimerions disposer de lignes de conduite claires et durables.

Nous rencontrons également beaucoup de difficulté pour les dossiers concernant les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), pour lesquelles ce sont les services de l’État qui instruisent les permis de construire. Nous essayons de travailler ensemble, mais, faute de personnel sans doute, les dossiers avancent très lentement et nous subissons cette lenteur.

Gérard Lefèvre : Dans le cas de l’appel d’offres de Leach International, évoqué par Nicolas Pouvreau, tout le monde s’est mobilisé et le dossier a été traité extrêmement vite. L’usine avait presque entièrement brûlé pendant l’été 2019. Grâce à la réactivité des services de l’État, mobilisés par le préfet, l’agglomération a trouvé des solutions de relogement pour une partie de l’activité et la reconstruction du bâtiment industriel a été rendue possible en un an seulement.

E. B. : Cette catastrophe a eu un impact positif dans le sens où elle nous a donné l’occasion de mettre en place un groupe de travail avec les services de l’État et avec la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Ce groupe fonctionne bien et nous le réactivons à chaque nouveau grand projet industriel. Nous travaillons en amont des demandes de permis de construire avec les entreprises afin que, lorsque les demandes sont déposées, elles soient déjà pratiquement accordées. Pour l’usine Leach International, le permis de construire avait été délivré en trois semaines ! Il ne s’agit pas de travailler en permanence dans l’urgence, mais, en échangeant davantage sur les gros dossiers, nous pouvons accélérer les processus.

Stéphanie Bodin : Nous procédons un peu de la même façon dans le Haut Val de Sèvre. Lorsqu’une entreprise envisage de s’implanter sur le territoire, nous réunissons tous les acteurs concernés et nous nous efforçons de lui apporter des réponses le plus rapidement possible. C’est la même chose pour les permis de construire : nous réunissons tous les services internes et externes à la collectivité qui auront un avis à émettre, de façon à ce que l’entreprise n’ait aucune mauvaise surprise lorsqu’elle dépose son dossier.

D. J. : Au cours de ces réunions “pré-PC”, tous les participants (services de l’État, services de défense incendie, réseaux d’eau et d’électricité…) font part de leurs préconisations et, à partir du moment où celles-ci sont respectées par le porteur de projet, tout se passe bien ensuite.

La mobilisation citoyenne

Int. : Les citoyens se mobilisent-ils en faveur de projets industriels ?

G. L. : Les opérations de job dating sont une bonne occasion pour eux de mieux connaître les entreprises du territoire, et on voit qu’ils apprécient ce qu’ils découvrent.

Nicolas Pouvreau : Nous sommes en permanence en train d’essayer de séduire les gens et de leur donner envie de travailler chez nous… Nous passons presque plus de temps à chercher des collaborateurs qu’à trouver des clients !

Louis-Marie Bellot : Nous avons lancé, il y a maintenant deux ans, un concept de farines équitables et respectueuses de l’environnement et, à la suite d’articles paru dans la presse, nous avons eu la bonne surprise de recevoir des candidatures spontanées. Des personnes auxquelles nous n’aurions jamais pensé ni pu accéder ont décidé de venir sur ce territoire pour travailler avec nous. J’invite donc toutes les entreprises qui ont des projets de ce type à le faire savoir !

Les mutuelles, un atout

Int. : Les mutuelles, très présentes à Niort, font-elles de l’ombre à l’industrie ?

L.-M. B. : Leur présence est, au contraire, une chance pour l’industrie. Les mutuelles attirent de nouveaux salariés sur le territoire et leurs conjoints à la recherche d’emplois peuvent en trouver chez nous. Par ailleurs, certaines personnes se lassent de travailler pour les mutuelles et peuvent avoir envie, à un moment de leur carrière, de rejoindre une entreprise plus petite, plus familiale, avec plus de proximité entre les salariés. Il nous est déjà arrivé de voir des personnes d’un très bon niveau de formation frapper à la porte de nos entreprises, et c’est toujours une excellente chose.

Le compte rendu de cette séance a été rédigé par :

Élisabeth BOURGUINAT