Après la crise de 2008, Arnaud Montebourg assiste, en tant qu’élu, à l’effondrement du tissu industriel de son département. Il se forge alors une conviction : l’État doit mener une action volontariste pour sauver les entreprises et leurs compétences. Devenu ministre du Redressement productif, il dote son administration d’outils de sauvetage efficaces, d’une méthodologie fédératrice et de responsabilités affirmées. Aujourd’hui entrepreneur, il s’engage dans la défense de produits français respectueux de la nature et des producteurs...

Exposé d’Arnaud Montebourg

Le traumatisme de l’effondrement industriel

C’est d’un traumatisme qu’est né mon combat pour la défense de l’industrie française. J’étais alors président du conseil général de Saône-et-Loire, département agricole, mais aussi très industriel, qui comptait de grands noms comme Areva, Schneider Electric, Michelin, Saint-Gobain, Safran ou Alstom, ainsi qu’une myriade de petites et moyennes entreprises (PME) qui tentaient de se faire une place dans le marché mondial. J’ai assisté à l’effondrement de ce tissu industriel entre 2009 et 2012, années sanglantes pour l’industrie française. Ce fut une “boucherie” – je n’ai pas d’autre mot – dans notre département. Nous n’avions aucun outil pour y faire face, en dehors du chômage technique, nettement insuffisant, et de la médiation du crédit. Nous en étions réduits à tenir des réunions pour constater la fermeture d’établissements et la multiplication de plans sociaux. Les préfets n’étaient pas compétents en la matière et nous ne disposions pas de fonds publics pour venir en aide aux entreprises – tout juste pouvait-on reporter le paiement de leurs cotisations sociales. Nous manquions de tout pouvoir d’action. Le chirurgien était démuni devant le malade.

Cette situation m’a traumatisé et j’ai juré d’en tirer des leçons. Durant la primaire du parti socialiste, j’avais apporté mon lot d’idées, y compris protectionnistes – par exemple, j’ai toujours été opposé à une entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sans la moindre contrepartie, sans obligation de respecter les lois environnementales minimales ni les accords du Bureau international du travail (BIT) en matière de droits sociaux. Quant à la religion du libre-échange consacrée par le système juridico-politique de l’Union européenne, elle me paraît jouer contre nos intérêts. De mon point de vue, les États sont tout à la fois libre-échangistes et protectionnistes, dans des proportions variables selon les moments et les secteurs : j’y vois une politique pragmatique et non idéologique. Voilà pour les aspects macroéconomiques. Au niveau microéconomique, nous devions tout faire pour sauver l’existant et combler nos manques en rapatriant des activités ou en créant des entreprises. Telle était ma définition du redressement productif. Elle a guidé mon action pendant deux ans et demi à la tête du ministère.


Agir, enfin !

Durant la campagne présidentielle de 2012, François Hollande m’a nommé représentant spécial à l’industrie et m’a envoyé sur tous les sites qui périclitaient. Mon expérience de président de conseil général m’ayant appris à mobiliser les pauvres moyens disponibles pour tenter d’infléchir le cours des choses, j’ai obtenu quelques résultats avec une entreprise du Limousin. Il n’en a pas fallu davantage pour que le futur président me voie comme un “paratonnerre” qui le protégerait dans ce domaine. Lui-même avait sillonné les établissements industriels en difficulté et avait multiplié les annonces optimistes, que ce soit chez Petroplus en Normandie ou à Florange, devant les hauts fourneaux qu’ArcelorMittal avait décidé de fermer. Une fois élu, il m’a nommé à la tête du ministère du Redressement productif.

L’une de mes premières initiatives fut de nommer des commissaires au Redressement productif, “mini-ministres” présents dans toutes les régions. Nous manquions en effet d’informations de terrain sur les entreprises de moins de 400 salariés, qui ne relevaient pas du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) et qui, si elles périclitaient, emporteraient avec elles des savoir-faire, des technologies et des parts de marché. Il restait à créer des outils de soutien aux entreprises.

Une boîte à outils du sauvetage

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