Bâti par des artistes et basé en Camargue, le Groupe F est reconnu mondialement pour son excellence. Celle-ci repose sur plusieurs piliers : la maîtrise du feu comme forme d’expression, un outil d’une redoutable efficacité pour concevoir en un temps record des spectacles enchanteurs destinés à un large public, une équipe pluridisciplinaire animée par les défis et soudée par une communauté d’esprit, une indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics… L’entretien de cette flamme les conduit à adapter l’entreprise aux changements des temps.


Exposé de Christophe Berthonneau

À première vue, le Groupe F pourrait être décrit comme un tissu de paradoxes : implanté en pleine nature, au cœur de la Camargue, ses spectacles pyrotechniques illuminent les villes de la planète ; ennemi des processus et des règles, il déploie une organisation d’une précision redoutable ; pionnier des technologies du spectacle, il ne valorise rien tant que la nature et le vivant ; inconnu du public, il orchestre les plus grands événements mondiaux. Ces paradoxes sont, somme toute, le reflet de la complexité du monde, que nous cherchons à embrasser.

Cheminer sur les crêtes

C’est dans le théâtre de rue que j’ai fait mes premières armes, notamment auprès de la compagnie Ilotopie. Nous imaginions toutes sortes de performances artistiques : étendages publics de linge, expositions d’animaux écrasés, squats d’abribus en banlieue parisienne… Après quinze ans de collaboration avec une myriade de professionnels, j’ai décidé de m’entourer d’une équipe pour concevoir des événements culturels de façon autonome, sans la moindre subvention ni le moindre soutien des institutions, et en prenant le monde comme terrain de jeu. Pas question de me soumettre à l’expertise d’un directeur régional des affaires culturelles ou d’un fonctionnaire dépressif du ministère de la Culture !

Nous avons alors développé deux formes de spectacles, l’une très conceptuelle et artistique, gratuite, l’autre répondant à des appels d’offres internationaux dans le secteur privé, pour des agences de communication ou le Comité international olympique. Dans les deux cas, il s’agit de susciter une émotion grâce à un contenu maîtrisé. Une dimension intime supplémentaire s’invite dans nos spectacles purement artistiques, renvoyant à notre rapport au monde et aux autres.

D’emblée, nous avons visé haut : l’une de nos premières réalisations fut la clôture des Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Ont suivi une pièce de théâtre de rue qui a fait le tour du monde, Les Oiseaux de feu ; la clôture de la Coupe du monde de football sur le toit du Stade de France en 1998 ; le passage à l’an 2000 sur la tour Eiffel ; les cérémonies des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, de Turin en 2006 et de Rio en 2016 ; l’inauguration du plus haut gratte-ciel au monde, le Burj Khalifa, en 2010 ; ainsi qu’une multitude de festivals, depuis la Nouvelle-Zélande et l’Australie jusqu’à l’Espagne et l’Italie.

L’inauguration du Louvre Abu Dhabi, il y a deux ans, est un bon exemple de la complexité du montage d’un événement artistique dans un espace public. Aboutissement de trente ans d’expérience et de cinq ans de travail, elle a mobilisé tous les outils et technologies que le Groupe F a élaborés au fil du temps, mêlant feux d’artifice, vidéos, chorégraphie, musique, jeux sur les reflets… Complexité supplémentaire, nous devions contenter l’architecte du bâtiment, Jean Nouvel, redoubler de diplomatie auprès des autorités d’Abu Dhabi et célébrer la vocation universelle du musée, traçant une humanité commune dans une région aux enjeux politiques et religieux exacerbés.

Les communs avant tout

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