Il est des menaces impossibles à éradiquer avec lesquelles nous devons apprendre à vivre. C’est le cas des cybermenaces. Les experts opérationnels en cyber­sécurité luttent au quotidien contre ces attaques en vagues répétées. Parfois, les moyens manquent et le découragement guette. Pourtant, le lendemain, il faut bien reprendre sa pierre et la rouler tel un Sisyphe moderne. Comment les entreprises peuvent-elles s’attacher l’abnégation de tels experts ? Ne faudrait-il pas repenser notre manière de numériser le monde ?

Exposé de Marie Le Pargneux et Laurent Oudot

Un changement de paradigme

Marie LE PARGNEUX : L’environnement de la cybersécurité est à la fois fascinant, vertigineux et éminemment complexe. Il nous faut vivre avec. Depuis un an que j’ai intégré l’entreprise TEHTRIS, je suis témoin de l’impact que cet univers a sur nos clients et partenaires, mais aussi sur l’ensemble des collaborateurs, sur notre manière de travailler et de vivre ensemble.

On estime qu’environ 300 000 nouveaux types d’attaques émergent quotidiennement dans le monde. Depuis le début de l’année 2020, on note une augmentation de 667 % des attaques par phishing. On s’attend à ce que le marché de la cybersécurité passe de 173 à 270 milliards de dollars d’ici 2026. Les pertes des entreprises, du fait de ces attaques, pourraient atteindre 6 000 milliards de dollars en 2021. Ces chiffres sont colossaux et l’on peine à en prendre la pleine mesure et à en préciser la véracité. Quantité d’études se penchent sur ce sujet et, bien que les écarts entre leurs conclusions soient souvent considérables, toutes montrent que le monde a profondément changé du fait de cette cybercriminalité.

Néanmoins, découvrant depuis un an cet univers, ce ne sont pas ces chiffres qui me marquent le plus. Deux faits majeurs, survenus cet été, me paraissent essentiels. Tout d’abord, il y a quelques jours, pour la première fois, la responsabilité d’une cyberattaque dans le décès d’une patiente a été reconnue en Allemagne. L’hôpital où elle était sur le point d’être opérée a été victime d’une attaque imposant son transfert en urgence dans un autre hôpital, ce qui lui a été fatal. Dès lors qu’une vie humaine est mise en péril, on entre dans une toute autre dimension.

Le second fait a été, pour la première fois là aussi, la revendication officielle, par le président Trump, d’une cyberattaque américaine à l’encontre d’un autre pays. Cette revendication montre que la cyberguerre est désormais une réalité, qui se déroule, certes, à l’intérieur des systèmes d’information, mais dont les effets, pour beaucoup encore inconnus, pourront mettre en péril la paix dans nos pays. Cette dimension politique, qui touche à notre humanité et nous fait changer de paradigme, nous amène à avoir une position très humble face à ce monde de la cybersécurité et soulève de multiples questions sur notre résilience.

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