Les copains d'abord

Le titre un peu trivial de cette page s’est imposé à mon esprit à la suite de la lecture de ce numéro, en particulier celle de l’article sur l’e-commerce. Sous l'appellation de copains, j'englobe tout ce qui restreint le choix du consommateur, principalement la commodité, l'urgence, la force de l'habitude, l'imitation, le poids de l'opinion, etc.

En effet, devant les millions de produits offerts sur ses écrans, comment le consommateur choisit-il ? La théorie économique traditionnelle suggère que le prix est le seul guide, mais il est évidemment hors de question de recenser toutes les offres identiques pour comparer leurs prix. La vérité est plus simple : il va acheter comme les fois précédentes, sauf exception. Face à l'importance de l’offre, le goulot d’étranglement se trouve au niveau de la demande.

Un domaine où ce phénomène est sensible est la prescription de médicaments par les médecins. On a pu montrer que, dans la liste considérable des médicaments disponibles, chaque médecin n’en prescrit qu'une faible partie. Comme les laboratoires pharmaceutiques ne cessent d’innover, ils entretiennent tous de nombreux visiteurs médicaux qui visitent les médecins pour leur vanter à domicile les mérites de leurs nouvelles propositions.

Dans ce nouvel univers économique où l’information disponible sur les réseaux sociaux est immense, la problématique du commerce change tout à fait d’énoncé. Comme chacun suit ses habitudes, le vendeur doit s’introduire dans ce cercle d’intimité pour rejoindre les intimes à qui chacun achète.

À vrai dire, les seuls produits dont l’offre est entièrement définie par leur prix sont les “commodités”, c’est-à-dire les produits définis par leur appellation, comme une tonne de fuel ou de blé. Et encore, les désordres actuels induits par la guerre d’Ukraine sur les marchés de l’énergie montrent que les produits pétroliers posent des problèmes plus compliqués que leur seul prix.

Les deux autres articles ne comportent pas un aspect dû au grand nombre, mais posent eux aussi la question du poids des réalités locales. Dans les propriétés thermiques du sous-sol, domaine technique parfaitement maîtrisé, on découvre avec surprise que la France est considérablement en retard sur des pays comme la Suède et la Suisse. Quant aux problèmes auxquels s’est trouvée confrontée une ETI pour se réformer, ils mettent en scène des ingrédients psychologiques, dramatiques, pour ainsi dire romanesques, bien loin de la froideur habituelle du style des affaires.

Ainsi, alors que la mondialisation, la multiplication et la rapidité des échanges semblaient annoncer un univers uniformisé, parlant une sorte d’anglais simplifié, on assiste à une présence de plus en plus active d’options qui donnent une place croissante aux réalités singulières et aux complicités locales. À quoi il faut ajouter l’élévation générale du niveau d’éducation, qui multiplie le nombre de personnes en mesure de revendiquer le respect de leurs singularités.

Situer l’autorité au plus près de l'exécution est cohérent avec le thème actuellement en vogue de l’entreprise libérée, entendez libérée d'une pesante pyramide hiérarchique au profit d'une autorité locale.