Spécialisé dans la sécurité incendie, Réseau DEF comprend plus de 60 entreprises travaillant en collaboration en fonction des projets, sans jamais se faire concurrence. Philippe Lécuyer le compare au vol des étourneaux, dont les milliers d’individus évoluent ensemble sans aucune collision. Dans les débuts, son modèle d’organisation surprenait, mais l’obtention de chantiers symboliques, comme ceux de la centrale nucléaire d’Hinkley Point ou de la cathédrale Notre-Dame de Paris, montre que Réseau DEF a trouvé sa place parmi les grands.


Exposé de Philippe Lécuyer

Je suis ingénieur de l’ENSTA (École nationale supérieure de techniques avancées) en génie maritime. Alors que j’étais formaté pour travailler dans une grande entreprise, le décès de mon père, survenu lorsque j’avais 26 ans et que je travaillais depuis trois mois dans un bureau d’études maritime à Grenoble, m’a confronté au devoir de reprendre l’entreprise familiale.

Une start-up avant l’heure

Mon père, Daniel Lécuyer, un ingénieur de Supélec au caractère bien trempé, avait conçu un détecteur de fumée en 1958, dans un garage de Boulogne où il s’était installé. À l’époque, les transistors avaient la forme d’ampoules et les premiers appareils qu’il a fabriqués étaient relativement imposants, avec de gros ventilateurs destinés à aspirer l’air de l’ensemble du bâtiment afin d’en faire l’analyse et de détecter la présence de fumée. Une série d’innovations dans le domaine de l’électronique, alors naissante, a permis de réduire rapidement la taille des dispositifs.

L’entreprise d’origine rassemblait tous les ingrédients de ce qu’on appelle aujourd’hui une start-up. Mon père avait l’intuition que la détection incendie allait se généraliser partout et que, même si les débuts étaient difficiles, car il était confronté à la concurrence de nombreux autres petits acteurs, l’avenir lui appartenait. À l’époque, il n’existait aucune certification ni contrôle ISO d’aucune sorte, et il suffisait de se montrer plus innovant que les autres. Mon père avait, par exemple, réussi à placer ses équipements dans des sous-marins ou dans des sites sensibles, les clients préférant s’équiper avec ces premiers appareils, même s’ils n’étaient pas encore très performants, plutôt que n’avoir aucun dispositif de sécurité.

Un premier grand défi

Lorsque j’ai pris la tête de l’entreprise en 1982, vingt-quatre ans après sa création, elle réalisait un chiffre d’affaires de l’ordre de 5 millions d’euros avec 45 salariés, dont 15 dans la filiale de production. Parmi eux, aucun ingénieur. En revanche, l’entreprise disposait déjà d’une très forte expertise et, surtout, d’un état d’esprit conquérant : nous étions d’ores et déjà certains que rien ne pourrait nous arrêter dans notre développement.

Dès mon arrivée, j’ai été confronté à un redoutable défi. Mon père avait signé un contrat en Arabie saoudite pour équiper un palais royal avec un système adressable de 6 000 points. Il était le seul à en connaître les caractéristiques, sachant que, jusqu’alors, nos plus gros dispositifs ne comprenaient que 100 points. J’ai dû mobiliser toute l’entreprise pour développer la solution et la faire fonctionner. Chaque week-end, je me rendais sur le chantier en Arabie saoudite et, au retour, je rapportais à mes collaborateurs tout ce que j’avais vu et entendu, y compris les “engueulades” à propos de nos retards et de tout ce qui ne fonctionnait pas dans notre système. Au bout de trois ans d’efforts acharnés, non seulement nous avons relevé le défi, mais nous avons été payés, ce qui ne va pas toujours de soi. Aujourd’hui encore, tous les palais du roi d’Arabie saoudite sont équipés avec la marque DEF. Ce nom est même devenu le nom courant par lequel on désigne un détecteur d’incendie là-bas…

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