À la fois responsables et victimes du réchauffement climatique, les villes doivent adapter leurs bâtiments et infrastructures existants. Les solutions sont largement connues et low tech : application des principes bioclimatiques, limitation des apports de chaleur, végétalisation des espaces urbains, blanchiment des toits... Pour accélérer cette adaptation, Franck Lirzin propose également la création de zones d’adaptation concertée dans les quartiers les plus vulnérables aux effets du changement climatique.


Exposé de Franck Lirzin

Après ma formation d’ingénieur des mines, j’ai débuté ma carrière au ministère de l’Économie et des Finances, puis, de 2017 à 2022, j’ai dirigé Homya, un bailleur privé de logements et de bureaux, filiale du groupe Gecina. Je suis aujourd’hui directeur de la transformation chez SNCF Immobilier, qui gère l’immense patrimoine de la SNCF.

Une prise de conscience à partir du terrain

En 2018, Paris a connu deux fortes canicules, et à nouveau en 2019. J’ai été interpellé par plusieurs gardiens de résidence : « Certains locataires âgés ont beaucoup souffert de la chaleur. Si cela doit recommencer tous les ans, il faut faire quelque chose ! » J’ai lancé des études pour comprendre l’impact des canicules sur les bâtiments et travaillé avec les gardiens sur leurs conditions de travail, impactées par ces phénomènes, mais sans faire immédiatement le lien avec le changement climatique. En cherchant comment améliorer la situation – protections solaires, climatisation, reconfiguration des loges ? –, je me suis rendu compte que c’était un sujet complexe. C’est peu à peu que j’ai pris conscience que nous avions affaire à la matérialisation du changement climatique et qu’il devenait urgent de réfléchir en profondeur à l’adaptation des bâtiments, des rues et des ensembles urbains pour y faire face.

Sur ces entrefaites, un architecte m’a présenté sa proposition pour un projet de rénovation thermique d’un bâtiment. Il m’a expliqué que, grâce à des loggias exposées plein sud, la température des appartements augmentera de 10 °C par rapport à l’extérieur. Je lui ai répondu : « Cela signifie-t-il que, dans vingt ans, lorsqu’il fera habituellement 40 °C à l’extérieur, la température de ces appartements grimpera à 50 °C ? » Un peu confus, il m’a avoué qu’il n’y avait pas pensé…

J’ai pris conscience que si le phénomène du changement climatique était bien connu des chercheurs, il n’était quasiment pas pris en compte dans les pratiques concrètes de l’architecture, de l’urbanisme et du bâtiment. De fait, la règlementation environnementale concernant les bâtiments neufs n’a intégré qu’en 2020, pour la première fois, les enjeux de confort d’été. C’est ce qui m’a donné envie d’écrire un livre, Paris face au changement climatique, qui a été publié en 2022 aux éditions de l’Aube.

Un phénomène brutal et durable

Les températures à la surface de la planète augmentent à un niveau et à un rythme sans précédent depuis deux millénaires. En Arctique, la glace a atteint sa plus petite surface depuis mille ans. Le niveau des océans monte plus vite que durant les trois mille dernières années. À l’horizon 2050, la température moyenne aura augmenté d’au moins 1,5 °C, alors que, pendant le Petit Âge glaciaire, elle avait diminué de moins d’1 °C. Si certains scénarios du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoient une stabilisation de l’augmentation du climat autour de 2050, d’autres anticipent la poursuite du réchauffement, qui pourrait avoisiner 5 °C vers 2100.

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