Patrick Pélata revient sur les débuts du véhicule électrique et les grandes étapes de son développement, qui a commencé au tournant des années 2000. Qu’est-ce qui a incité ou, au contraire, freiné l’émergence de ce nouveau paradigme, en Europe, aux États-Unis et en Chine ? Alors qu’il permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comment en faire un produit de masse ? Les réponses sont à chercher dans l’évolution de la technologie, l’esprit entrepreneurial et les grands arbitrages des États.


Exposé de Patrick Pélata

J’ai assisté et participé directement, au cours des vingt dernières années, à l’histoire des véhicules électriques. Cette histoire enchevêtre la science, les développements technologiques, le rôle des entrepreneurs, les mesures prises par les États pour lutter contre le réchauffement climatique et les réponses stratégiques qu’ils ont ou non mises en place pour développer ou protéger leur industrie. Lors d’une précédente séance de l’École de Paris du management1, Marc Alochet et Christophe Midler ont décrit l’habilité ou le manque d’habilité des États à accompagner la transformation de cet écosystème. Je souscris à leur analyse.

Genèse des véhicules électriques

Peu après l’invention de la première batterie rechargeable en 1850 (au plomb-acide), de premières voitures électriques apparaissent. Elles connaîtront un certain essor jusqu’au début du XXe siècle. La Jamais contente bat le record des 100 kilomètres à l’heure (km/h) en 1899. En 1900, plus d’un tiers des taxis de New York sont électriques. Les voitures électriques trouvent rapidement leur place dans les villes, car elles n’émettent pas de fumée noire. Toutefois, la production à la chaîne de la Ford T, lancée en 1908, et l’activisme de la Standard Oil sonneront le glas de cette première phase. Les voitures thermiques, moins chères, plus autonomes et plus légères, supplanteront les voitures électriques.

De toutes petites séries sont produites dans les années 1970. En 1972, EDF développe une version électrique de la Renault 5 avec une batterie au plomb, mais le projet ne connaîtra pas de suite. Le premier choc pétrolier de 1973 ouvre la voie à un regain d’intérêt pour la propulsion électrique : de 2 000 à 3 000 exemplaires de la CitiCar américaine, par exemple, seront vendus entre 1974 et 1977, mais le prix du pétrole finit par retomber.

L’époque “moderne” du véhicule électrique débute en 1996 avec le lancement par General Motors de l’EV1. C’est la réponse très innovante du constructeur au Zero Emission Vehicle Mandate qu’impose l’État de Californie aux constructeurs en 1990, exigeant que les véhicules “zéro émission” représentent 2 % de leurs ventes en 1998. De telles exigences s’avèreront irréalistes, car les technologies ne sont pas encore prêtes. Le mandate est assoupli et General Motors enverra toutes ses EV1 à la casse.

Fait souvent méconnu, à la même époque, la Chine démarre la production de vélos à assistance électrique avec déjà plus de 50 000 exemplaires produits en 1998.

Constructeur précurseur, Nissan lance, en 1999, la première voiture électrique avec batterie lithium-ion. Produite en plusieurs centaines d’exemplaires, l’Hypermini est proposée en autopartage à Yokohama, mais ce projet, intenable sur un plan économique, est rapidement arrêté. Martin Eberhard cofonde Tesla en 2003 comme « une entreprise de la tech comprenant trois éléments essentiels, la batterie, le logiciel informatique et un moteur électrique maison ». Le Tesla Roadster, lancé en 2008, est une belle réussite entrepreneuriale, même s’il en est produit peu d’exemplaires.

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