Le Journal de l'École de Paris - janvier/février 2002

Reconstruire

janvier/février 2002

L'édito de Michel BERRY

*Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait de châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la laitière enfin tous, Autant les sages que les fous. (…) Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même, Je suis Gros-Jean comme devant.* Jean de La Fontaine, La Laitière et le pot au lait Ils partageaient un rêve : créer avec le surrégénérateur une centrale qui produit plus de matière radioactive qu'elle n'en consomme. C'est plus fort que le mouvement perpétuel qui hantait nos ancêtres. Cela pouvait certes inquiéter les non-initiés, on saurait maîtriser le monstre. D'ailleurs les conducteurs de Superphénix disaient en 1998 : " Maintenant, c'est pépère ". Mais patatras ! le gouvernement décide d'arrêter la centrale. Tous les rêves s'écroulent : ceux du personnel, des commerçants, des collectivités. Leur reconstruire un avenir, c'est ce dont se sont souciés Jean-Pierre Aubert, François Peyronnet, Jean-Pierre Gallen et Jean-François Chemain. En entrant à Saint-Cyr, Jérôme Lenoir rêvait de servir son pays. Sortant dans un bon rang, il espérait un beau commandement, mais il n'obtint qu'une troupe de trois hommes. L'armée est très perturbée par la professionnalisation et il lui faut se transformer pour devenir plus attractive, les généraux Elrick Irastorza et Alain Baer le reconnaissent. Mais Jérôme Lenoir avait perdu confiance et il avait, comme d'autres Saint-Cyriens, décidé d'aller servir ailleurs, en découvrant que rien n'était prévu pour l'y aider. Il avance que c'est en aidant les départs qu'on facilitera les recrutements. Le Nord peut-il renouer avec son passé glorieux de première région économique de France, au rayonnement international unique ? La construction de l'Europe, le tunnel sous la Manche, le TGV, mettent la région au centre de la zone la plus peuplée et la plus riche d'Europe : cent millions de consommateurs à portée. Qui peut dire mieux en France ? Mais voilà, le Nord ne fait pas rêver, en particulier les super-diplômés que les grandes entreprises recherchent. Bruno Bonduelle le sait bien, pour avoir cherché à en recruter pour développer et internationaliser son entreprise. Le voici maintenant animé d'une passion : faire de Lille une métropole internationale attractive. L'homme ne se nourrit pas que de pain, mais aussi de rêves, comme la laitière de la fable. Aujourd'hui, c'est du travail qu'on attend et le pain et le rêve et c'est pourquoi on se bat tant pour garder son usine ou son entreprise. Mais, disent Frédéric Bruggemann, Bernard Masséra et Henri José Legrand qui ne peuvent être soupçonnés de vindicte anti-syndicale, au lieu d'empêcher des fermetures inéluctables, il faut jouer la reconversion en poussant les entreprises à y investir du temps et de l'argent. On peut ainsi aider les gens à faire leur deuil, à se former à de nouveaux métiers, à trouver un autre emploi et, mais c'est peut-être le plus difficile, à se fabriquer un nouveau rêve.
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