Le Journal de l'École de Paris - mai/juin 2018

Du coeur à la réforme

mai/juin 2018

L'édito de Thomas PARIS

Il en fallait, du cœur, pour s’attaquer à la transformation d’administrations comme la RATP, La Poste ou la Sécurité sociale, avec tout ce que leurs tailles supposent de difficultés à réformer. Il en fallait, du cœur, pour entreprendre de réinventer un groupe comme Accor, sixième chaîne hôtelière mondiale, présent dans quatre-vingt-douze pays et opérant sur un métier antédiluvien. Il fallait aussi du cœur pour redonner un avenir à une activité de tissage ravagée par la concurrence chinoise, ou pour s’attaquer à la transformation d’une ville comme Nantes, marquée par une décennie de déclin industriel.

Y avait-il le choix ? ! La nécessité, criante dans chacune de ces situations, était incarnée ici par les enjeux d’équilibrage financier ou d’adaptation à la concurrence, là par la pression des Booking et autres Airbnb,ou là par l’impossibilité d’accepter le déclin d’une filière ou d’une ville. Il n’empêche, relever le gant exigeait du courage. C’aurait pu être de l’inconscience ; les réformes présentées dans ce numéro ont été portées par le goût du défi, le dévouement à une cause et la foi.

La foi a guidé chacune de ces réformes. Foi dans son entreprise, et surtout foi dans une certaine vision de son entreprise. La Poste devait être un leader européen dans les services de proximité bâtis sur la confiance et l’excellence, l’assurance maladie devait devenir assurance santé, la culture pouvait lancer une dynamique rapide à Nantes. L’entreprise, pour Éric Boël, est au service de l’être humain ; Les Tissages de Charlieu (LTC), qu’il dirige, sont là pour préserver des savoir-faire ancestraux et permettre à des personnes de vivre dignement de leur travail. Cette vision de l’entreprise structure une transformation profonde de LTC en un lieu d’épanouissement.

Si ces histoires attestent qu’il n’y a pas de manière unique de conduire de grandes réformes, deux autres facteurs ont joué des rôles essentiels dans les transformations. Le premier est le temps. Jean-Paul Bailly a bénéficié de mandats longs. Jean Blaise, à Nantes, n’a pu développer sa conception d’une culture qui aille à la rencontre des habitants et infuse la ville qu’avec la confiance d’un maire sur plusieurs décennies. Et il a fallu douze ans à Patrick Négaret pour déployer, de manière progressive et pragmatique, le programme Santé Active.

Le second facteur est la mobilisation des parties prenantes. Le succès des réformes de La Poste a reposé sur la création d’un climat de confiance avec un écosystème large, impliquant le personnel, l’État, les organisations syndicales, les élus nationaux et locaux, le gouvernement, les associations. Pour mettre en oeuvre sa vision, un parcours intégré du client grâce notamment au numérique, le top management d’AccorHotels a donné un grand rôle aux acteurs du terrain.

Le temps et la mobilisation sont clés quand il s’agit d’instiller dans toute une organisation, une entreprise, une ville, une vision nouvelle, une mission redéfinie, dès lors qu’il s’agit d’en réinventer le cœur, qui, en lui donnant son impulsion vitale, la transformera de l’intérieur. Plutôt que de réforme, on pourra alors parler de métamorphose.

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