Le Journal de l'École de Paris - mars/avril 2015

Visions du futur

mars/avril 2015

L'édito de Thomas PARIS

Dans le langage de l’entreprise, le futur existe peu. L’avenir, un peu plus, mais l’on parle surtout de long terme, par opposition aux moyen ou court termes. Le long terme se travaille, l’avenir s’anticipe, mais le futur ? Le futur est exogène on a peu de prise sur lui. Dans un monde où tout va plus vite, où tout dépend de tout, quelle place peut-on lui faire ? Cette absence tient à ce que le futur est le domaine de la résignation pour beaucoup – on n’y peut rien... – et du rêve pour quelques-uns seulement. Il est déconnecté du présent, peu rationnel, et donc ingérable. Mais est-on pour autant sans prises sur lui ? Voici que des acteurs ont décidé de le prendre à bras-le-corps, le futur. La planète est en danger ? Que peut-on y faire ? Eh bien, le Nord-Pas-de-Calais a décidé de prendre les devants et, avec le soutien de l’essayiste Jeremy Rifkin, d’accélérer la transition vers la troisième révolution industrielle. La région, sous la double égide du conseil régional et de la chambre de commerce,se mobilise à travers des actions ambitieuses et concrètes : quartiers à énergie positive, université zéro carbone, production d’un carburant très vert à partir d’excès d’énergie électrique... Jeremy Rifkin catalyse les énergies et sa vision du futur mobilise toute la région. L’usine du futur peut s’imaginer, cela a souvent été fait, dans une vision d’automatisation et de déshumanisation. Mais l’usine du futur, explique Michel Dancette, est à portée de main les technologies existent et sont déjà mises en œuvre. Et elle est bien loin de cette vision froide. L’humain y retrouve un rôle épanouissant, pour peu qu’on se mobilise pour cela, et l’usine du futur apporte des réponses à de multiples enjeux pour les industriels français. Le futur ne doit pas faire peur. L’avenir et le long terme sont dans les gènes d’Hermès et peuvent être convoqués pour expliquer son succès extraordinaire. L’avenir, car Hermès est une machine à créer, explique son ancien PDG Patrick Thomas. Le long terme, car c’est à cet horizon que l’entreprise travaille, qui fuit la mode et cherche d’abord la perfection. Mais si Hermès parvient si bien à vendre du rêve, c’est qu’elle rêve elle-même, et qu’avenir et long terme sont ancrés sur le futur, celui qu’incarnent les petits-enfants des dirigeants d’une entreprise dont le fonctionnement tient beaucoup à sa dimension familiale. Si les performances remarquables que l’on constate parfois chez les entreprises familiales tiennent à cette incarnation du futur, Sylvain Gariel et Gauthier Lherbier dressent un constat inquiétant sur les processus de transmission en France. Manque d’envie des héritiers de prendre la relève ou transmission découragée par la fiscalité, le futur et sa capacité à faire rêver semblent être en panne. La capacité à rêver n’est-elle pas ici l’une des clés de la compétitivité de l’industrie française ? Les 35 heures ont été conçues sur un pari économique – le partage du travail – et sur une vision du futur selon laquelle le temps de chaque individu consacré au travail était amené à diminuer encore. Quinze après, force est de constater que ce futur n’a pas eu lieu, ou plutôt qu’il s’est heurté à la réalité du présent. La moulinette des négociations a mené les acteurs au bord de l’épuisement, de sorte qu’ils n’ont plus envie de s’y engager à nouveau. Pourtant, les évolutions qui ont bouleversé le monde du travail depuis imposeraient de relancer le débat. À quelle porte le futur devra-t-il donc frapper ?

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