Le Journal de l'École de Paris - Mars/avril  2007

La rencontre des cultures

Mars/avril 2007

L'édito de Michel BERRY

On trouve dans Le Petit Robert, parmi les définitions du mot rencontre, les deux suivantes : 2- Specialt Engagement imprévu de deux forces ennemies. == > Combat, échauffourée — par ext. Engagement ou combat. « À chaque rencontre, deux ou trois cavaliers y restaient » (Céline).◊ Duel. Les témoins fixèrent les conditions de la rencontre. ◊ Compétition sportive. == > match. Rencontre de boxe. Rencontre amicale, internationale Les subtilités de la langue française permettent de rendre compte des enjeux et des risques de la rencontre entre des personnes imprégnées de cultures différentes. Les décalages entre les évidences des uns et des autres peuvent tourner à l’affrontement. On parle alors de chocs culturels – fréquents lorsque fusionnent deux entreprises – voire de guerre des civilisations, pour reprendre le célèbre ouvrage de Samuel Huntington. Mais l’affrontement peut aussi se sublimer, comme dans le sport, en une saine émulation, en un échange nourri par le plaisir de la découverte d’autrui. La vie des affaires d’aujourd’hui multiplie les occasions de rencontres des cultures, sous l’effet de la mondialisation ou à l’occasion d’acquisitions, fusions, joint-ventures. Ici, chaque partie ressent un intérêt supérieur à trouver une issue féconde à la rencontre entre des identités différentes, ce qui fait des entreprises de précieux laboratoires d’hybridations interculturelles. C’est ce qu’illustre ce numéro. On voit ainsi Dominique Poiroux, responsable d’une unité de Danone en Chine, animé du désir, et du plaisir, de comprendre un univers culturel à la fois étrangement proche et profondément étranger, de découvrir progressivement ce qui anime ses collaborateurs chinois et de faire communiquer les visions chinoises et latines de ce que sont un bon chef ou un plan d’action efficace. Gilles Taldu anime le développement de Capgemini en Inde, réservoir inépuisable d’informaticiens. Mais chaque client a ses besoins et ses traditions, ce qu’il n’est pas facile de prendre en compte depuis une unité lointaine et tournée vers la performance technique. C’est pourquoi est expérimenté un cheminement des projets pour marier spécificités locales et exigences techniques, le rightshore, révolution organisationnelle et culturelle qui doit surmonter nombre de résistances. Le débat entre Philippe Nemo et Bernard Nadoulek nous ramène aux enjeux politiques. Le premier met l’accent sur ce qui distingue l’Occident d’autres cultures et ce qu’il doit préserver. Le second, qui se nourrit entre autres de son expérience de conseil en stratégie, met au contraire l’accent sur les vertus des différentes civilisations et l’intérêt qu’elles auraient à s’enrichir mutuellement. En acquérant Poliet, Saint-Gobain a fait une entrée remarquée dans la distribution, monde qui a de profondes différences avec celui des usines. Mais Pierre-André de Chalendar explique que le choix a été fait de tenir la distribution à raisonnable distance du monde des usines, ce qui a permis de préserver les identités et de laisser du temps pour dégager des synergies. Toutefois cette sage mesure ne paraît pas conforme aux canons du management. Dans le monde des entreprises, il reste à mesurer dans chaque rencontre la part de menace et la perspective d'enrichissement réciproque. Un enjeu stimulant pour l'École de Paris.
Lire la suite
Google Analytics cookies
This site uses cookies from Google Analytics, these cookies help us to identify the content that interests you the most and to identify certain malfunctions. Your navigational data on this site is sent to Google Inc.